Un synode pour remettre la famille au centre

22 Septembre 2014 | par

La pastorale familiale restera certainement comme un grand axe du pontificat du pape François. Quelques mois après son élection, en convoquant un Synode extraordinaire des évêques consacré aux « défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation », le pontife a fait d’une pierre deux coups. Tout d’abord, il a souhaité placer ce thème au cœur de la réflexion de l’Église, dans un contexte de profonds changements, voire de rupture. Mais il a aussi voulu sans tarder mettre en pratique sa volonté proclamée d’accentuer la collégialité dans l’Église.

Ainsi, du 5 au 19 octobre, la 3e Assemblée générale extraordinaire du Synode des évêques réunira les cardinaux, archevêques majeurs et présidents des Conférences épiscopales du monde entier, de même que des religieux élus par l’Union romaine des supérieurs religieux. Le caractère « extraordinaire » de ce synode renvoie à l’urgence des questions familiales. Comprendre les situations de souffrance, se confronter au réel, reprendre le dialogue sans rien perdre de l’exigence et de la beauté de la vocation de la famille chrétienne : tel est l’enjeu de cette assise.

Cette assemblée extraordinaire sera une « première étape » visant à faire le point sur les principaux thèmes liés à la famille et à récolter les propositions des évêques. Dans un deuxième temps, une assemblée ordinaire du synode aura lieu courant 2015 pour définir des « lignes opérationnelles » en matière de pastorale familiale. C’est là que pourraient être formulées des décisions importantes. Mais le dernier mot appartiendra au pontife, qui s’attèlera dans les mois qui suivront à ce grand chantier de la famille dans la rédaction d’une exhortation post-synodale. Il y synthétisera les conclusions tirées des réflexions des pères synodaux et donnera de grands axes sensés guider les fidèles.

Le synode est un fruit du Concile Vatican II (1962-1965). En l’instituant, Paul VI voulait pérenniser la collégialité engendrée par le concile et permettre une interaction plus forte entre le souverain pontife et les évêques. Mais, en réalité, le Synode des évêques est un concept ancien, remontant à l’Église primitive et très présent dans les Églises orientales ou protestantes. La tenue de cette assemblée extraordinaire à 50 ans de la remise au goût du jour de cette institution n’est certainement pas un hasard. C’est certainement dans cette optique que le souverain pontife a décidé que le synode se conclurait par la béatification de Paul VI (cf. encadré).



Un événement très attendu

Pour préparer ce synode, un ample questionnaire a été largement diffusé environ un an avant sa tenue, balayant toutes les facettes des problématiques familiales. Pendant plusieurs mois, les réponses, aussi bien des diocèses que des communautés religieuses mais aussi d’individuels, ont été collectées. Comment les chrétiens divorcés remariés vivent-ils leur « irrégularité » ? Se sentent-ils marginalisés et vivent-ils avec souffrance l’impossibilité de recevoir les sacrements ? Quelle attention pastorale peut être offerte aux personnes ayant choisi de vivre une union homosexuelle ?... Autant de questions brûlantes posées avec grande franchise.

Pour nombre d’observateurs, cette décision du pape François d’associer tous les fidèles désireux de le faire à la démarche synodale est tout à fait inédite. L’attente est donc très grande quant aux choix qui seront faits. Autre geste inhabituel : en février dernier, le pape François a adressé une lettre aux familles du monde entier, leur demandant de « prier intensément » pour le bon déroulement du synode.

 

Focalisation sur les divorcés remariés

L’éventail des thèmes abordés est très vaste : les mariages mixtes, les familles monoparentales, le machisme et le féminisme, les unions entre personnes de même sexe auxquelles est souvent consentie l’adoption d’enfants, les courants législatifs qui remettent en question la stabilité et la fidélité du pacte matrimonial… (cf. l’interview de Mgr Jean-Luc Brunin en page 12). Mais c’est un sujet bien spécifique qui a attiré ces mois-ci l’attention des médias et de l’opinion publique : celui des divorcés remariés. 

Sur un point aussi délicat, on a tôt fait de faire des raccourcis. La question est complexe et concerne des cas très spécifiques, voire rares, mais souvent vécus avec grande douleur. Lors de son discours introductif aux travaux du consistoire extraordinaire qui s’est tenu au Vatican en février sur le thème de la famille, le cardinal Walter Kasper a exposé de façon très claire les conditions d’un possible accès à la communion pour les couples divorcés remariés. En l’état actuel des choses, c’est simplement un débat qui a été ouvert quant à une possible évolution de la discipline de l’Église en la matière, mais les discussions sont déjà passionnées.

Une focalisation extrême sur cette question est l’un des risques de cette assemblée. À n’en point douter, c’est ce que retiendra avant tout la presse généraliste. La question des divorcés remariés est certes importante mais elle l’est sans doute plus en Amérique et en Europe que dans le reste du monde. Ainsi, c’est avant tout à la façon dont l’Évangile peut être annoncé à toutes les familles que les pères synodaux vont réfléchir et discuter.

Face aux importantes mutations de la société, notamment dans le monde occidental, il apparaît clair que le pape François ne veut pas considérer l’Église comme une forteresse assiégée, mais bien comme un corps ouvert sur le monde, cette « experte en humanité » dont parlait Paul VI, à l’écoute des souffrances de tous les hommes, porteuse de la Parole miséricordieuse du Christ. Et c’est pour répondre toujours mieux à cette mission qu’il a décidé de convoquer cette assemblée. 



Un nouveau pape bientôt bienheureux

 Paul VI est le pape qui a poursuivi Vatican II, initié par Jean XXIII, et qui l’a mené à son terme. C’est ainsi en qualité de principal artisan du concile qu’il sera béatifié le 19 octobre prochain, à l’issue des 2 semaines de synode. Premier pape à réaliser des  voyages internationaux, il se rendit notamment en Terre Sainte en 1964. C’est cette visite que le pape François a voulu commémorer en se rendant à Jérusalem en mai dernier. Mais sa tâche n’a pas été aisée : il a dû gérer la mise en application délicate du concile et les divisions engendrées par l’ouverture de l’Église au monde contemporain. Son encyclique Humanae Vitae (1968), sur le mariage et la régulation des naissances, lui a aussi valu de nombreuses critiques. Pourtant, c’est bel et bien le « courage » et l’esprit prophétique de Paul VI que le pape François entend saluer en en faisant un bienheureux, offrant ainsi sa figure en exemple à l’Église universelle.



Chères familles,

Je me présente au seuil de votre maison pour vous parler d’un événement qui, comme cela est connu, se déroulera au mois d’octobre prochain au Vatican. (…)

Cette Assemblée synodale vous est consacrée d’une façon particulière, à votre vocation et à votre mission dans l’Église et dans la société, aux problèmes du mariage
, de la vie familiale, de l’éducation des enfants, et au rôle des familles dans la mission

de l’Église.

Par conséquent, je vous demande de prier intensément l’Esprit Saint, afin qu’il éclaire les pères synodaux et qu’il les guide dans

leur tâche exigeante. (…)

Chères familles, votre prière pour le Synode des évêques sera un précieux trésor qui enrichira l’Église.

 

Lettre du pape François aux familles




Updated on 06 Octobre 2016