Un temps pour mourir

16 Octobre 2006 | par

« Jamais comme à l’approche de la mort et dans la mort elle-même, affirmait Jean-Paul II, le 25 août 1990, la vie doit être célébrée et exaltée. Celle-ci doit être pleinement respectée, protégée et assistée ». Une pensée qui prend corps dans la pratique des soins palliatifs.

Quand les traitements thérapeutiques ne parviennent plus à endiguer la maladie et qu’au contraire ils augmentent les souffrances du patient, il faut donner un nouvel objet aux soins. C’est l’enjeu des soins palliatifs : accompagner le malade vers sa mort. Ils consistent à soulager la douleur physique et les symptômes liés à la maladie (vomissement, perte de l’appétit, obstruction respiratoire…) en prenant en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle du malade et de son entourage. « Ce sont des soins actifs, précise la Charte de Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), délivrés dans une approche globale de la personne atteinte d’une maladie, évolutive ou terminale. »
En France, selon les souhaits du patient et la capacité de son entourage, ils sont organisés à domicile ou en milieu hospitalier. 78 unités de soins palliatifs (1) accueillent des patients en situation difficile et assument une mission d’enseignement et de recherche. 226 équipes mobiles de soins palliatifs assurent une fonction d’aide et de conseil auprès du personnel soignant. Enfin 93 réseaux de soins palliatifs permettent au malade d’être maintenu à domicile. Reste que le nombre de lits et de structures demeure insuffisant et l’accès aux soins palliatifs très inégal. En juillet dernier, le ministre de la santé a créé un Comité national du suivi du développement des soins palliatifs et de l’accompagnement afin de définir une nouvelle politique pour les années à venir.
Ces soins sont personnalisés et prodigués avec un souci d’écoute, de dialogue et de respect par des équipes pluridisciplinaires constituées de médecins, infirmières, aides-soignantes, kinésithérapeutes, assistantes sociales, psychologues… Un dispositif indispensable. Car si « ce type de malade a très peu d’exigences, affirme la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross (2), ils ont besoin de bien-être, d’aussi peu de souffrance que possible, et ne demandent rien sinon de ne pas être laissés pour compte ». Les médecins ne sont aujourd’hui « nullement formés à devenir de bons médecins pour les patients qui ne se rétabliront jamais ». Et « certaines situations sont parfois difficiles à vivre », confie le docteur Daniel d’Hérouville dans une revue interne de la Fondation de France.
4 223 bénévoles(1) viennent renforcer ces structures d’accompagnement. A la maison médicale Jeanne Garnier à Paris, ils sont 110 à se relayer une fois par semaine pour visiter les malades. Recrutés pour leurs qualités humaines, ils sont formés et encadrés par le personnel administratif et soignant. Le bénévole « ne remplace pas les soignants ni les proches de la personne malade, peut-on lire dans la présentation de la Journée mondiale des soins palliatifs du 7 octobre 2006. L’accompagnant est un témoin, un être humain qui exprime sa solidarité avec un autre être humain ».
Enfin l’Eglise, par ses aumôniers, est présente auprès des malades. Dans le fascicule Simples questions sur la vie publié par la Conférence des Evêques de France, Mgr Perrier rappelle que « il serait bien étonnant qu’une relation vraie, dans un moment critique, n’amène pas à évoquer la question religieuse. La personne malade, surtout si elle était assez éloignée de l’Eglise, sera peut-être heureuse de pouvoir dire sa foi, son peu de foi, voire sa révolte ». L’Eglise leur propose ses rites qui apaisent : eucharistie, onction des malades, sacrement du pardon. Trois sacrements qui sont donnés « au moment même où la personne a sans doute le plus besoin de la paix et du Salut qui vient de Dieu », affirme le père Brice de Malherbe (Conférences de Carême, Paris, 26 mars 2006).
« L’Eglise est consciente, disait Jean-Paul II à l’Assemblée plénière de l’Académie Pontificale pour la vie de 1999, que le moment de la mort est toujours accompagné par une densité particulière de sentiments humains. » Elle « élève sa voix afin que l’on ne porte pas offense aux mourants, mais que l’on se consacre avec une sollicitude bienveillante à les accompagner, tandis qu’ils s’apprêtent à franchir le seuil du temps pour s’introduire dans l’éternité ». 

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1)Chriffres Sfap 2004.
2) Accueillir la mort, Pocket, 2002.

 

Travail du trépas
Même si le corps se détériore, si l’univers du mourant se rétrécit, que ses jours sont comptés, un plan de l’existence demeure, celui de la vie intérieure, intime, spirituelle, celui de la relation à soi, à l’autre au grand Autre. Ce plan de l’existence ne relève plus tant du “faire” que de “l’être”. (…) Alors pourquoi ne pas considérer « le temps pour mourir » comme un temps où l’homme intérieur peut se développer, s’accomplir ? Travail du trépas, travail d’accomplissement de soi, d’intériorisation, de transmission. (…) Gratitude, bénédiction, pardon. Les derniers échanges deviennent irremplaçables. »

Marie de Hennezel, Conférences de Carême, Paris, 26 mars 2006.

Updated on 06 Octobre 2016