Une présence en milieu carcéral

01 Janvier 1900 | par

Loos se trouve à environ 10 kilomètres de Lille, et comprend sur son territoire un ensemble pénitencier formé d’une maison d’arrêt regroupant le quartier hommes (1000 détenus) et le quartier femmes (100 détenues) ayant sa propre administration, et d’un centre de détention (350 détenus), lui aussi autonome sur le plan administratif.

Un univers carcéral
La maison d’arrêt de Loos compte donc, pour le quartier hommes, quelque 1000 détenus, mais pour une capacité d’accueil de 500. Des conditions matérielles particulièrement difficiles. Dans chaque cellule de 9m2, deux ou trois détenus cohabitent 24 heures sur 24. Un projet pour une nouvelle maison d’arrêt est à l’étude, afin de remédier à cette surpopulation.

Le quartier hommes compte environ 25% d’étrangers (la moyenne nationale est aussi de 25%). Ils viennent principalement d’Europe, d’Afrique du Nord, d’Afrique noire (Zaïrois), d’Asie... « Cette population est variée, surtout en raison de la proximité des frontières », souligne le père Jean-Hubert Vigneau, aumônier général des prisons et aumônier de la Maison d’arrêt de Loos.
Les délits les plus représentés sont, par ordre décroissant, les vols qualifiés (20%), les stupéfiants, puis les délits sexuels (15%), « qui vont en augmentant », précise le directeur de cette maison d’arrêt, Monsieur Jean-Louis Daumas.

La mission de l’aumônerie
Dans cette réalité carcérale, l’Eglise est pourtant bien présente. Six personnes, envoyées en mission par l’évêque, s’efforcent d’accueillir, d’être à l’écoute et d’accompagner les détenus qui le souhaitent, dans la fidélité de l’Evangile et de l’Eglise.
Pour la section femmes, une religieuse est aumônier titulaire et deux auxiliaires bénévoles s’occupent de l’aumônerie.
«La mission essentielle, souligne Michel, 60 ans, auxiliaire bénévole d’aumônerie pour le quartier hommes, est d’accompagner des détenus qui sont en situation d’attente de jugement. C’est une situation particulièrement angoissante pour eux. Nous écoutons, nous cheminons avec eux. Nous faisons part de nos convictions et ils nous évangélisent autant que nous les évangélisons. Pour moi, l’Eglise est vraiment incarnée en prison, dans cette rencontre avec les détenus qui vivent dans la souffrance, et l’isolement.»
Le père Jean-Hubert Vigneau ajoute : «Ils nous évangélisent non pas parce qu’ils sont meilleurs que nous, mais parce qu’ils nous obligent à être vrais. Ils nous font réfléchir sur notre manière de vivre et de dire notre foi.»
Annette, est, comme Michel, auxiliaire bénévole d’aumônerie pour le quartier hommes de la maison d’arrêt de Loos. Après s’être occupée pendant quinze ans d’aumônerie de lycée, elle a eu le désir d’un autre type d’apostolat. Une homélie sur l’aumônerie de la prison l’a décidée à se lancer dans cette nouvelle aventure. « Je rencontre un de mes semblables qui n’a pas eu ma chance, témoigne Annette. Dieu est présent dans celui que je vois en prison. Avec et grâce aux détenus, je relis l’Evangile avec un autre regard.»

Rencontres, célébrations et sacrements
Au programme de l’aumônerie : les cercles bibliques, la messe et les sacrements, les rencontres individuelles avec l’aumônerie titulaire et l’aumônier bénévole. Les « cercles bibliques », dont le nom semble à certains un peu « pompeux » dans cette réalité carcérale, propose une rencontre, chaque semaine, de discussion et de préparation de messe.

«Nous n’avons pas de programme déterminé, souligne Annette. Pour le Carême 1997, nous avons fait réfléchir les détenus sur certains mots, en lien avec l’Evangile du jour. Ainsi, Dieu proche, Dieu lumière, Dieu Patience, Dieu miséricorde, et Dieu Espérance». Annette sort le compte-rendu de toute cette réflexion. En le parcourant, on est étonné de la pertinence et de la vérité des remarques. Ainsi pour « Dieu miséricorde », un détenu précise : « Dans miséricorde, il y a misère, et quand tu connais la misère, tu peux donner la miséricorde. »
Environ 60 détenus participent aux messes et 25 aux cercles bibliques. Dieu n’est pas la seule motivation qui les pousse à venir aux cercles bibliques, et même à la messe. Il est très important pour quelqu’un qui vit coupé du monde de parler à une personne de l’extérieur, d’être respecté, écouté, accompagné.
C’est aussi dans l’accueil, l’écoute et l’accompagnement que se vivent les sacrements. « Nous prêtons une attention particulière à la vie sacramentelle, souligne le Père Vigneau. Mais nous nous refusons de baptiser trop rapidement, parce que justement nous avons conscience de la fragilité de la population carcérale. Pour un prévenu, il faut souvent attendre son jugement pour savoir s’il est prêt à poursuivre sa démarche.»
La réconciliation, en prison, se vit dans la durée. Le message de Jean-Paul II aux prisonniers, lors des dernières Journées Mondiales, permet de méditer sur le sens de ce sacrement : « Aucun acte ne peut vous enlever la dignité d’enfant de Dieu qui est la vôtre... Avec l’aide de vos familles, de vos amis, de l’Eglise, je souhaite que vous retrouviez la place qui vous revient dans la société, où vous aurez soin de travailler au service de vos frères, dans le respect de leur personne. »
Enfin, les rencontres individuelles avec les aumôniers complètent cet accueil et cet accompagnement, dans la confiance. Elles sont essentielles.
Dans l’Eglise locale, l’aumônerie collabore aussi avec les paroisses, les mouvements et les autres services (Secours Catholique, Pastorale des Migrants...). Elle s’insère dans la communion ecclésiale, « convaincue que l’exclusion des personnes incarcérées et de leur famille devrait être pour nous tous une blessure au flanc de l’Eglise » (1).
Comme saint Vincent de Paul dans les galères, l’Eglise s’efforce d’accompagner les détenus, à Loos et dans les différentes aumôneries catholiques des prisons. Ce travail évangélique n’apporte pas forcément de fruits immédiats – les échecs restent nombreux – mais il est une mise en pratique de la parole de Jésus : « J’étais en prison et vous m’avez visité».

Monique de Castellan-Farisy

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(1) Extrait du texte d’orientation adopté le 11/11/96, au Congrès de l’Aumônerie des Prisons. Il est à noter que ce reportage à Loos date de juillet 1998. Les données essentielles restent cependant exactes.

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La réalité carcérale

On compte en France 186 établissements pénitentiaires dont 119 maisons d’arrêt (une au moins par département), 55 établissements pour peine et 12 centres de semi-liberté. La maison d’arrêt reçoit les prévenus et les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an. Les établissements pour peine sont répartis en deux catégories : les centres de détention qui accueillent les condamnés présentant les perspectives de réinsertion les meilleures et les maisons centrales qui reçoivent les condamnés les plus difficiles. En centre de détention, le régime est orienté vers la resocialisation des détenus ; en maison centrale, il est essentiellement axé sur la sécurité. Reste la semi-liberté, c’est la modalité d’exécution de peine permettant à un condamné d’exercer, hors d’un établissement pénitentiaire, une activité professionnelle, de suivre un enseignement, une formation ou encore de bénéficier d’un traitement médicale.

Source : article de Jean-Hubert Vigneau, sur la prison,
paru dans les Cahiers de l’Atelier, n°478, de mars-avril 1998.

Updated on 06 Octobre 2016