Venise et sa relique de saint Antoine

17 Octobre 2021 | par

Lorsqu’on pense à Venise, nous viennent immédiatement les images de la ville sur les eaux, la grandeur de la République qu’elle a su mettre en place, l’attrait qu’elle suscite en chacun de nous. Elle est connue non seulement pour avoir surgi d’une lagune hostile mais aussi parce qu’elle a gagné son indépendance et même combattu pour dominer une grande partie de la Méditerranée et de nombreux territoires, dont Padoue. Pourquoi cette République Sérénissime est-elle donc entrée en possession de la relique d’un saint qui lui appartenait tout autant que la ville de Padoue ?
Pour le savoir, il faut remonter à l’époque où Venise fut amenée à combattre contre l’Empire ottoman, entre 1645 et 1669. La guerre, longue et épuisante, qui l’opposait à la Dalmatie, avait lieu au milieu des îles qui lui appartenaient au cœur de la mer Égée. L’île de Crète, outre sa position stratégique, était aussi l’avant-poste vénitien le plus grand, le plus important et le plus riche de cette mer. Les Turcs avaient réussi à en conquérir une partie. La lutte s’annonçait difficile. Venise se devait de recourir aux  « armes de la diplomatie » pour chercher à obtenir le renfort d’autres puissances étrangères mais il lui fallait négocier une trêve le temps nécessaire. La situation s’avérait complexe. C’est alors qu’un des anciens podestats de Padoue eut l’idée, en 1651, de suggérer à Venise de faire un vœu à saint Antoine pour lui demander la fin des hostilités. Ayant toujours été proche du saint de Padoue, Venise accueillit volontiers la proposition et décida de placer la ville sous sa protection.
Le vœu de la trêve ayant été accompli, elle demanda aux frères de la Basilique de lui confier une relique. Elle souhaitait la placer dans la basilique de Sainte-Marie-du-Salut (Madonna della Salute) qu’elle était en train d’ériger en face de la place Saint-Marc pour remercier la Vierge d’avoir sauvé la ville de la peste de 1630.

 

L’arrivée de la relique à Venise

L’historien Antonio Niero commente : « Les difficultés rencontrées par les Padouans ne furent pas négligeables. La relique fut finalement accordée. »
Les modalités du transport de la relique à Venise furent établies par deux résolutions du Sénat du 6 juin 1652. La revue Antonienne Il Santo rapporte dans ses chroniques de 1928-1932 que les recteurs de Padoue, en accord avec les présidents de l’Arche, devaient fixer au dimanche ou au lundi le transport de la Relique à effectuer le long de la route classique du canal de la Brenta par des burchielli, les anciennes voitures qui reliaient Padoue à Venise.
La relique entra à Venise le 9 juin 1652 lors d’une somptueuse procession fluviale décrite ponctuellement par les chroniqueurs. Elle fut accueillie comme il était coutume de le faire pour les grands personnages. Elle fut placée dans la basilique Saint-Marc puis portée en procession solennelle par le Doge, le Sénat, le Clergé et le peuple, le long d’un pont de bateaux traversant le Grand Canal jusqu’à la basilique de la Vierge du Salut, le 13 du même mois. Là, elle fut déposée dans l’autel érigé en son honneur.
Depuis lors, la relique fait l’objet d’une vénération particulière tous les 13 juin. Ce jour-là, la relique est exposée sur l’autel de Saint-Antoine pour la dévotion des fidèles. Jusque dans les années 1950, un pont votif formé par une succession de bateaux était également construit pour la journée afin de permettre aux dévots de traverser le canal et de rejoindre la basilique Sainte-Marie-du-Salut de manière plus directe.

 

13 juin 2021, une fête différente

Cette année cependant, aucune relique n’attendait les dévots vénitiens à l’occasion des traditionnelles célébrations de la solennité de saint Antoine. C’est la relique elle-même qui a été déplacée jusqu’à Padoue. Elle a été offerte à la dévotion des Padouans à l’occasion du 1600e anniversaire de la fondation de la Sérénissime Répiblique de Venise. Une semaine durant, les fidèles padouans ont pu vénérer cette relique qui symbolise les liens entre Padoue et Venise et rappelle la force de leur dévotion.
Son retour au cœur de la basilique Sainte-Marie-du-Salut a ensuite été salué par une procession solennelle et une parade nautique rappelant le voyage effectué quelques siècles plus tôt le long du canal de la Brenta et du Grand Canal. La relique a ensuite été transférée sur une Bissona, une barque historique, où ont aussi pris place le père Oliviero Svanera, alors recteur de la Basilique, (le nouveau recteur, Antonio Ramina, a été nommé par le pape François début septembre), et le Patriarche de Venise, pour la dernière étape de son pèlerinage le long du Grand Canal, escortée par les patrouilleurs lagunaires des Carabiniers, des barques historiques et celles de certaines paroisses vénitiennes.

Updated on 17 Octobre 2021
Laissez un commentaire