Vin et Vinaigre

18 Octobre 2011 | par

La parole de Dieu

 

Jésus gravit la montagne et s’assit,

ses disciples s’approchèrent et il se mit à les instruire…

 

Il disait :

 

Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux !

Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise !

Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés !

Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés !

Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde !

Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu !

Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu !

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice :

le Royaume des cieux est à eux !

 

Mt 5, 1-10

 

La parole de saint Antoine

 

Heureux les miséricordieux :

ils obtiendront miséricorde !

Celui qui est miséricordieux envers les autres, Dieu sera miséricordieux envers lui.

Cela, les juifs ne l’ont pas fait : au Christ souffrant la soif sur la croix, ils n’ont pas offert une coupe d’eau fraîche mais du vinaigre mêlé à du fiel, qu’il goûta mais n’en voulut pas boire, car il a goûté l’amertume de la peine due à notre faute, mais n’a pas incorporé à lui la faute.

 

Remarque que dans le vinaigre il y a trois choses : au début, il est acide, puis il devient vin purifié, enfin il se gâte et devient vinaigre.

Ainsi le faux chrétien : avant son Baptême, il était raisin sauvage et acide, car infidèle ; une fois reçu le Baptême, il est devenu comme du vin parfumé, par la foi ; ensuite il s’est gâté en vinaigre par le péché mortel. Le vinaigre est appelé ainsi du latin acetum, qui vient d’acutum, piquant ou mêlé d’eau. Lorsqu’un fidèle se mêle à l’eau du plaisir de la chair, aussitôt il se change en vinaigre de péché mortel, puis il le sert au Christ, suspendu à la croix, mais déjà régnant au ciel.

C’est pourquoi il se plaint lui-même en Isaïe en disant : « J’attendais que ma vigne produise de bons raisins et elle donna des raisins sauvages » (cf. Is 5, 4) ; « J’attendais le droit, et voici l’iniquité ; la justice, et voici les cris d’effroi (Is 5, 7). » Les œuvres du pécheur sont avarice et cris de luxure, des raisins sauvages le long du chemin, que chaque passant peut arracher… D’où Ézéchiel : « À l’entrée de chaque chemin, tu t’es bâti ton édifice cultuel, tu as fait de ta beauté une abomination, tu as offert ton corps à tout passant » (16, 25).

 

23e dimanche après la Pentecôte

 

Pour aller plus loin

Plus je fréquente les écrits de saint Antoine, plus j’admire son style d’écriture concis, allant droit à essentiel, efficace.

À preuve, ce commentaire d’une des huit Béatitudes de Matthieu.

Avant tout, l’accent est mis sur la conséquence, en positif, de toute miséricorde : celui qui la pratique recevra lui-même miséricorde, Dieu sera miséricordieux envers lui ; et sur l’opposition, en négatif, entre celui qui la pratique et

celui qui la refuse : non seulement il ne reçoit pas miséricorde, mais s’enfonce encore plus dans son péché. 

Appliquée aux chrétiens, cette opposition caractérise, en positif, les fidèles du Christ qui apaisent sa soif d’amour ; et, en négatif, les faux chrétiens qui, comme ceux qui ont condamné Jésus, lui donnent à boire, encore aujourd’hui, le vinaigre du péché.

Car qui dit péché dit mauvais goût, amertume, goût du vinaigre, et le mot vinaigre, creusé dans son aspect phonétique - acetum > acutum = aigre > piquant -, devient l’image d’un double parcours auquel le chrétien peut s’exposer : de l’infidélité à la foi, grâce au baptême ; mais aussi de la foi à l’infidélité, à cause du péché.

Une double image vient ensuite donner plus de force à celle du vinaigre : la lambrusque, le raisin sauvage, que tout passant ou toute bête des champs peut dévorer ; celle de la prostituée dont parle Ézéchiel qui désigne l’âme tombée exposée sans défense à l’esclavage du péché.

Merveilleuse association de réminiscences bibliques, de figure de style et de force de conviction.

Updated on 06 Octobre 2016