Violences à l’école

01 Janvier 1900 | par

Les émissions de télévision, les programmes de radio abordent souvent ce sujet, interrogeant tantôt les jeunes victimes, tantôt les éducateurs et les familles, et même parfois les agresseurs. Les parents se sentent démunis, les enseignants - eux-mêmes parfois victimes - souffrent d'une situation qui se généralise. «Il y a trente ans, les élèves parlaient de la violence de certains quartiers, mais collèges et lycées restaient des lieux sûrs, des sanctuaires, dit François Bayrou, où l 'on pouvait apprendre. Depuis, la violence a fini par y pénétrer.»

En quoi consiste cette violence ?
Quand on interroge des collègiens, on comprend vite que de nombreux enfants, même dans des secteurs réputés tranquilles, ont été témoins sinon victimes de violence. Le racket est nommé en premier, qui comporte intimidation, humiliation, injures et même coups. L'élève vulnérable n'ose pas protester. Une mère veuve témoigne: «Je voyais Jean-Yves, 12 ans, bon élève, devenir de plus en plus fermé, triste. Ses notes baissaient. Il ne s'achetait plus rien avec son argent de poche et pourtant ne faisait aucune économie... Il a fini par me dire qu'un grand de troisième l'avait battu parce qu'il avait tenté de refuser de lui donner les vingt francs qu'il avait sur lui. Depuis, tout son argent de poche y passait...»
Les enfants racketteurs ont l'art de sentir à qui ils peuvent s'attaquer, faisant croire à des représailles terribles si l'attaqué parle: ainsi s'instaure la loi du silence. Du stylo à la montre, aux vêtements et aux chaussures de marque jusqu'à l'argent, le racket n'est pas la seule violence pratiquée dans les établissements scolaires et autour d'eux. Dès la cinquième, les élèves sont au courant des agressions sexuelles dirigées contre les filles, depuis la jupe retroussée accompagnée de mots déplacés, jusqu'au viol commis impunément par un petit groupe de gargons. La fille violentée n'ose pas toujours protester: «J'ai trop peur que ce ne soit pire si je les,dénonce», disait l'une d'elle à l'infirmière. Sans aller jusqu’à ces formes extrêmes, les collèges calmes sont le lieu de bousculades, des inévitables bagarres auxquelles il faut ajouter un chapelet d’incivilités, injures, dégradations matérielles..., dit un principal. Les voitures des enseignants qui ont osé punir sont parfois rayées ou couvertes de graffiti.

Les racines de la violence
Au fond, qu'est-ce que la violence? Le Professeur Jean Bergeret a consacré un ouvrage et un article éclairant à ce sujet: «Il existe, explique-t-il, une forme de violence archaïque naturelle, innée qu'il faut considérer comme une composante de la vie.» Il va même jusqu'à dire que «la violence fondamentale est à situer surtout comme dynamísme imaginaire essentiel à la vie, à la survie.... qui concourt au succès de l'amour et de la créativité.»
Mais, poursuit-il, il est indispensable que «la famille, puis les institutions qui la prolongent aident chaque enfant à intégrer ces pulsions de vie afin qu'elles deviennent créatrices. Si les parents ne remplissent pas ce rôle, si les institutions telles que l'école ne donnent pas de repères clairs, ne posent pas de limites, ces forces mal canalisées s'expriment en agressivité, voire en agressions destructrices contre les autres.» Bien des parents, dont les conditions de vie sont difficiles – chômage, mauvaise intégration –, sont dans l'incapacité de contenir la violence de leurs propres enfants. Les établissements scolaires devraient suppléer aux carences des familles – et nombreux sont les éducateurs qui prennent à coeur cette mission – mais sont parfois dépassés quand le nombre d'élèves violents est trop élevé.
Les chefs d'établissements savent en général distinguer les mouvements intégrateurs de la violence, comme ce principal qui, voyant deux élèves s'empoigner sous les fenêtres de son bureau disait, à juste titre: «Ils jouent à se battre», alors qu'il n'hésitait pas, quelques minutes plus tard, à appeler le Commisariat pour qu'un policier vienne chercher un élève renvoyé du collège, et qui n'avait plus le droit d’y pénétrer, pour protéger ses anciens camarades de ses agressions.

Des remèdes
L'Education Nationale se préoccupe beaucoup de ces questions, envoie des circulaires élaborées par des commissions d'enseignants qui ont visiblement beaucoup réfléchi. Les parents s'en inquiètent aussi, et les groupes de parole se multiplient, cherchant quels remèdes apporter à une situation qui a tendance à empirer.
Côté école: de nombreux enseignants se concertent pour adopter des attitudes communes qui permettent de faire régner la paix, le silence, conditions indispensables pour apprendre. «Un élève qui a peur, disent-ils, ne peut pas apprendre.» Un enseignant qui a peur enseigne mal. Ils estiment aussi indispensable d'appliquer les sanctions annoncées – malgré les menaces qu'ils peuvent recevoir – en collaboration avec les responsables de la communauté éducative, voire avec la police. Ils sont d'accord pour maintenir un enseignement de qualité dans le respect des élèves pour lesquels la culture transmise est réparatrice.
Ils ont même le courage d'essayer de repérer en eux leur propre violence, surtout quant ils sont exaspérés par quelques élèves insupportables. Dans quelques établissements, les enseignants collaborent avec des médiateurs éducatifs nouvellement recrutés, disponibles pour écouter les jeunes... et leur rappeler la loi de l'école.
D'autres expériences sont intéressantes: élèves volontaires formés à la médiation qui tentent de régler les conflits surgis entre leurs camarades, création de spectacles à partir de témoignages anonymes des élèves, des enseignants, du personnel administratif, d’entretien, permettant un large débat avec les parents au sujet de la violence.
Côté parents: des associations de parents d'élèves proposent des groupes de parole pour réfléchir aux incidents qui ont pu avoir lieu. Les parents découvrent que leurs propres enfants sont parfois marqués par l'agression qu'a subie un de leurs camarades, et qu'ils ont peur. Une jeune fille agressée disait à l'assistante sociale: «Je ne dirai rien à mes parents: ils m'en voudraient et m'empécheraient de sortir». Ils accordent alors plus d'importance à l'écoute attentive nécessaire pour créer une véritable confiance entre eux et leurs enfants et mesurent mieux le courage qu'il faut pour prevenir les responsables de l’école, au besoin la police, afin de briser la loi du silence qui encourage la loi du plus fort .
Ils apprennent aussi à ne jamais régler personnellement une affaire avec un élève violent mais à agir en concertation avec les associations de parents d'élèves et les responsables de la communauté éducative pour que soient prises des mesures appropriées. Sans jamais oublier qu'un élève violent est un élève souffrant, qu'il ne s'agit pas de tolérer les agressions dont sont victimes les plus faibles, mais qu'on peut tenter de poser des repères fermes qui aideront peut-être l'agresseur à se relever.

Updated on 06 Octobre 2016