Lumière sur l’oratoire Saint-Georges !

Dans l’attente de la réponse de l’UNESCO, l’oratoire situé sur le parvis de la basilique Saint-Antoine profite d’une restauration extraordinaire pour nous révéler toute sa beauté.
22 Juillet 2021 | par

En cet été 2021, Padoue retient son souffle : la candidature qu’elle prépare avec tant de soin depuis 2014 aboutira-t-elle ​? Les magnifiques fresques du XIVe siècle qui l’embellissent et l’enrichissent seront-elles reconnues comme Patrimoine mondial de l’UNESCO ?

La tension est palpable. L’enthousiasme d’avoir atteint la dernière étape de la longue procédure augmente le désir de faire toujours mieux pour offrir aux visiteurs une expérience exceptionnelle. Faire vivre à chacun les émotions que suscitent les huit sites de la candidature, dans leur unité de sens et de lieu hors du commun, voilà une des missions à laquelle se dédie la ville sans relâche. 

Il y a quelques semaines, c’est l’oratoire Saint-Georges, qui a dévoilé son nouveau visage. La Veneranda Arca di sant’Antonio et de nombreux mécènes l’ont doté d’un système d’éclairage à la pointe de la technologie, sur le modèle de celui de la chapelle des Scrovegni. 

Une chapelle funéraire antonienne
L’oratoire Saint-Georges a été édifié en 1377 à droite de la basilique Saint-Antoine. Il s’agit d’une commande de la noble famille Lupi da Soragna qui, outre sa dévotion antonienne, souhaitait y conserver son tombeau de famille. La façade de la chapelle, visible depuis le parvis de la Basilique, est recouverte de briques apparentes. Trois bas-reliefs la décorent : ils représentent saint Georges tuant le dragon et le blason de la famille du commanditaire. 

Avant de mourir en 1379, Raimondino Lupi da Soragna avait demandé à Altichiero da Zevio, un des plus grands artistes de son temps, d’en peindre à fresque tous les murs. Le chef-d’œuvre confère au lieu une élégance sans pareil. Autour du mausolée édifié en plein centre pour être admiré de tous, les fresques étaient éclairées par huit fenêtres monolobées, mais les détails restaient peu visibles. Or, avec le nouvel éclairage, le visiteur est immergé dans une expérience visuelle époustouflante. Selon qu’il participe à une célébration, à un concert, ou qu’il visite les lieux en différents moments de la journée, il profite d’un calibrage lumineux qui transcende chacune de ses expériences perceptives et l’invite à un voyage dans l’art et l’histoire de la chrétienté.

Sous le ciel étoilé de la voûte les saints scandent l’espace. Peintes en relief, leurs auréoles sont mises en valeur par la lumière rasante de certains projecteurs. Elles soulignent le caractère mystique des 22 épisodes narrés sur deux niveaux. 

Dès notre entrée dans la chapelle, nous nous sentons d’emblée interpellés par la fresque qui nous fait face. Il s’agit d’une immense représentation de la Crucifixion, dont les couleurs et les détails ne peuvent qu’émouvoir. Au-dessus, la vision du couronnement de la Vierge par le Christ Ressuscité nous plonge d’autant plus dans le mystère du salut humain que nous pouvons observer que le commanditaire, Raimondino Lupi di Soragna, est parvenu au pied de la Sainte Vierge, et qu’il lui offre sa chapelle pour garantir sa rédemption. Les origines des mystères de la Mort et de la Résurrection se trouvent sur le mur opposé, où sont représentées les scènes tout aussi mystiques de la naissance et des premiers moments marquants de la vie du Christ. 

Le long du mur gauche, les différents supplices subis par saint Georges sont autant d’illustrations qui trouvent leur conclusion dans la dernière scène : on y voit le saint martyr et de nombreux autres saints qui présentent personnellement le commanditaire, son épouse Matilde ainsi que d’autres membres de leur famille à la Sainte Vierge. Sur le mur droit, la vie et le martyre de sainte Catherine d’Alexandrie dans la partie supérieure et de sainte Lucie au-dessous réitèrent la force du martyre pour accéder au Salut éternel. 

La restauration pour une renaissance de l’art
Achevées en 1384, les fresques avaient été recouvertes pour des raisons mal définies vers la fin du XVIe siècle, puis oubliées. Ce n’est qu’en 1837 que l’Allemand Ernest Forster les redécouvre. Il les fait nettoyer et connaître aux experts européens. Elles sont à nouveau complètement restaurées aux alentours du Jubilé de l’an 2000.

Avec le nouveau système d’éclairage, la richesse des nuances chromatiques révèle combien Altichiero da Zevio a réussi à suivre les leçons du grand maître Giotto. Sa grande sensibilité iconographique se retrouve autant dans le détail des physionomies que dans les expressions humaines. Les perspectives de l’architecture ainsi que le rendu des volumes témoignent d’une véritable évolution vers la Renaissance.

Si la sensibilité qui émane de ces fresques confère au lieu une valeur nouvelle en vue de la candidature UNESCO, elle met aussi en lumière combien la beauté de l’art peut émouvoir et aider à s’interroger sur sa foi.

Updated on 22 Juillet 2021
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