« Il y a tant de façons d’œuvrer à l’unité des chrétiens »

En ce début du mois de janvier, les chrétiens forment un vœu qui leur est très précieux : leur unité. Pour parler de ce beau sujet, Le Messager est allé à la rencontre de sœur Bénédicte Girard, diaconesse de Reuilly.
10 Janvier 2021 | par

Cette protestante nous présente sa vie tournée vers l’œcuménisme. Les Diaconesses de Reuilly, fondées en 1841, est une communauté ouverte à toutes les protestantes (luthériennes, réformées, évangéliques, baptistes, salutistes, mennonites, etc.). Leur fondatrice rêvait que catholiques et protestants ne forment qu’un seul troupeau conduit par un seul berger.

Pourquoi les chrétiens doivent-ils rechercher l’unité ?
Cette quête d’unité vient du Christ lui-même. Dans l’évangile de saint Jean (chapitre 17), le Christ dit : « afin que tous soient un ». Cette prière de Jésus s’adresse à tous afin que le monde croie. La sollicitation de Jésus est forte. Évidemment, cela diffère selon les pays ; en France, l’œuvre de l’unité des chrétiens la plus courante concernent les catholiques et les protestants. En Angleterre, cela se vit avec les anglicans. En France, les orthodoxes ne sont pas très nombreux, mais on ne peut vivre un œcuménisme sérieux sans eux ! Cet appel à l’unité ne vient pas des chrétiens eux-mêmes mais de Jésus. Le respect de nos diversités permet une unité.

Quel est le charisme de votre communauté ?
Notre charisme est tourné vers l’unité des chrétiens et l’accueil des plus pauvres (malades, personnes qui sortent de prison, etc.). J’ai écrit un livre sur le charisme de notre communauté : À la recherche de la grande couleur chrétienne. Ces mots proviennent de notre fondatrice, sœur Caroline Malvesin. Nos offices sont marqués de la Parole de Dieu. Le dimanche, nous avons les mêmes textes que les catholiques. En semaine, nous avons le lectionnaire de Taizé. Notre tiers-ordre accueille quelques amis catholiques, mais la plupart sont protestants.

Comment vivez-vous la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens du 18 au 25 janvier ?
C’est une semaine très forte qui existe depuis plus de 100 ans. Chaque année, une Église dans le monde prépare la liturgie pour cette semaine. Cette année, ce sont les sœurs suisses de Grandchamp. Elles préparent une liturgie très développée qui paraît dans le journal trimestriel l’Unité des chrétiens. Ensuite, chaque communauté s’inspire de cette liturgie, peut la reproduire intégralement ou l’adapter.
Le 25 janvier, jour de la conversion de saint Paul, n’est pas une date importante pour les protestants (nous ne commémorons pas les saints) même si nous méditons les Épîtres de Paul et l’aimons beaucoup.

Quels textes les catholiques, protestants et orthodoxes ont-ils en commun ?
Toute la Bible ! Ce qui compte pour un protestant c’est la Bible. Nous aimons beaucoup les Psaumes. Nous n’avons pas la notion d’une sainte Cène journalière. Mais nous l’avons tous les 15 jours et maintenant de plus en plus souvent toutes les semaines. Nous faisons mémoire des paroles que prononce Jésus lors de la Cène. Nous avons les deux tables : la Table de la sainte Cène et la Parole de Dieu. On ne peut célébrer la sainte Cène sans avoir eu une prédication. Nous sommes marqués par Bach et Beethoven, protestants allemands, ayant composé tant de messes pour les cultes protestants.
Quelle est votre mission de diaconesse ?
Ma mission est en partie à la Maison d’Unité. C’est une association pour des jeunes chrétiens de 20 à 35 ans qui vivent ensemble en colocation. Concrètement, ces étudiants et jeunes professionnels, passionnés d’œcuménisme, vivent par petits groupes de 3 à 5 avec toujours des catholiques et des protestants. Cette maison est née d’une vision d’une catholique rêvant à une maison d’unité pour jeunes. Ils sont dans la recherche permanente d’un compagnonnage tout en gardant l’indépendance des Églises et sans prosélytisme.

Sur quel modèle s’appuie une sœur diaconesse de Reuilly ?
Notre modèle, ce sont les Actes des Apôtres avec les premiers chrétiens qui vivent, prient ensemble et mettent en commun leur argent. Nous sommes apostoliques et monastiques. Nous vivons, quel que soit notre engagement, des valeurs monastiques tels l’esprit de silence, une vie de prière forte, personnelle et communautaire dans une dimension liturgique, des heures régulières de lectio divina... Nous rejoignons donc les communautés d’ordre monastique tout en assumant, selon des charismes et des besoins particuliers, des temps plus apostoliques. Comme Luther était un moine et a quitté sa vie monastique suite à la Réforme, les ordres religieux se sont peu à peu arrêtés en Allemagne. C’est au XIXe siècle que des femmes de pays protestants ont été convaincues de vivre comme des religieuses catholiques, en retrouvant les trois engagements : une vie de pauvreté, dans le célibat et la chasteté et dans l’obéissance au Christ, en lien avec la sœur qu’elles élisent régulièrement comme prieure. « Diaconesse » signifie « servante ». Nous avons choisi de nous appeler « les diaconesses de Reuilly » car, selon nous, il n’y a pas de spiritualité à partir d’un saint ! On prend alors le nom de la rue ou de la ville où nous avons été créées : diaconesse de Reuilly (rue), de Strasbourg (ville), etc.

Quel rapport ont les protestants avec les saints ?
On a très peur des médiations ! Le fait que ce soit les hommes qui choisissent les saints rend la chose compliquée à nos yeux. On est tous en voie de se sanctifier, mais on ne peut pas se permettre de dire qu’untel est saint et l’autre non. Cela ne nous rejoint pas. Il y a cependant une grande estime et j’aime beaucoup saint François ! Les sœurs catholiques, protestantes et orthodoxes ont la même écoute de la Parole de Dieu, les mêmes engagements profonds, la même quête de Dieu. Les protestants se méfient, parfois trop, des médiations humaines.

Comment vivez-vous cette recherche de l’unité dans votre quotidien ?
En étant à la Maison d’Unité, je suis sans cesse interpellée, questionnée. Je suis tout le temps habitée d’une prière pour hâter le jour où nous serons encore plus proches ! Quand je récite le Notre Père, je le dis toujours en communion avec tous les chrétiens. Ma prière préférée est celle que Jésus a dite avant de mourir (Jean 17). Il a prié pour que ses disciples ne soient pas séparés. Tout récemment, j’ai lu la dernière encyclique du pape François, Fratelli tutti et c’est très intéressant.

Quel peut être le terreau d’une fraternité œcuménique ?
Il est fondé sur un engagement définitif, comme le « Oui » définitif de Marie, selon les trois vœux religieux. Le profond désir de suivre le Christ dans le sillon fécond de son obéissance, avec une vie chaste et pauvre, nous unit. Par les trois vœux prononcés, chaque sœur se sent apparentée à l’Église indivise. La méditation de la Parole de Dieu, la liturgie des heures, la psalmodie, la référence à une règle, une vie commune proposant un équilibre de la parole et du silence, le service du prochain sous diverses formes constituent un terreau. Par cette expérimentation concrète, la distance devient moindre et le levain de l’Évangile est incorporé en nous. Il y a tant de façons d’œuvrer à l’unité des chrétiens, en commençant par la charité !

Updated on 10 Janvier 2021
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