La crèche, nouvelle Bethléem

Selon la tradition, les crèches qui ornent nos églises et nos maisons pendant l’Avent sont nées d’une idée de saint François d’Assise. Le Messager de Saint Antoine vous propose de remonter à cette nuit de Noël 1223.
09 Décembre 2025 | par

« Je veux voir, je veux voir de mes yeux de chair ! » Alors qu’approche dans quelques jours la fête de Noël, saint François n’a qu’une idée : constater de ses propres yeux le dépouillement dans lequel le Christ est né parmi les hommes. Ce mystère de l’incarnation de cet enfant-Dieu refusé des puissants, né dans l’humilité d’une étable, François veut le voir réellement. Il a encore en mémoire ces paysages et reliefs de Terre sainte, où il s’était rendu quelques années plus tôt… 
Depuis l’échec de la cinquième croisade, les pèlerinages en Terre sainte sont devenus impossibles. L’idée de voir ces lieux remplit l’esprit de François. Alors germe une idée : si les chrétiens ne peuvent plus aller en Terre sainte, c’est la Terre sainte qui viendra à eux ! Et ainsi, chacun pourra voir les conditions de la naissance du Sauveur.
Dans son projet, François fait appel à un ami, Giovanni, issu d’une noble et riche famille. Mais cette noblesse de sang intéresse peu l’homme, celui-ci recherchant plutôt la noblesse de l’âme. En François, il voit un frère, plus même, un modèle. Alors quand François l’appelle, Giovanni accourt.
« Giovanni, écoute-moi, lance François. Dans quelques jours nous allons fêter Noël. » Est-ce pour lui rappeler cela que son ami l’a fait venir en toute hâte ?, s’interroge en lui-même Giovanni. Décidément, François est un homme bon, mais il exagère parfois… Il se doute bien que je suis au courant que la fête approche !

Entre l’âne et le bœuf
Mais celui-ci reprend. « Pars dès maintenant et occupe-toi des préparatifs que je vais t’indiquer. Je veux évoquer en effet le souvenir de l’enfant qui naquit à Bethléem et de tous les désagréments qu’il endura dès son enfance. » Mais où François veut-il donc en venir ? « Je veux le voir, de mes yeux de chair, tel qu’il était, couché dans une mangeoire et dormant sur le foin, entre un bœuf et un âne. » Soudain, Giovanni comprend : il s’agit de reproduire ici, en Italie, à Greccio, la scène de la Nativité ! Certainement pas dans une scène de parodie, non plus dans une mise en scène théâtrale, mais dans une reconstitution humble, pour que chacun puisse vivre un peu de ce moment où terre et ciel se sont joints par la naissance d’un enfant.
Giovanni s’affaire, en parle autour de lui, entraîne les habitants de Greccio. Une mangeoire avec de la paille est installée dans une grotte. Un âne et un bœuf sont menés sur place. Pourquoi François tient-il à faire venir ces animaux qu’aucun des quatre évangiles ne mentionne ? Si la réponse n’est pas dans le Nouveau Testament, est-elle dans l’Ancien ? « Le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître », proclame Isaïe. De même, un évangile apocryphe, le Pseudo-Matthieu, évoque leur présence peu après la naissance du Christ. Quoi qu’il en soit, l’important est ailleurs : il s’agit de signifier que Jésus est le sauveur de la Création tout entière, celui qui vient la réconcilier avec le dessein de son Créateur.
Enfin, le jour de Noël ! Attirés par l’intuition de François, s’éclairant de torches pour illuminer la nuit de décembre, les habitants de Greccio se rendent près de la mangeoire. Les bergers, les frères des couvents alentours, les boulangers, les paysans… tout le monde est là, dans la simplicité de sa vie. Ne fête-t-on pas la naissance de l’Emmanuel, le « Dieu parmi nous » ? L’allégresse est partagée de tous. 

L’enfant de Bethléem
Plein de joie, voyant enfin de ses propres yeux le dépouillement extrême avec lequel Dieu a choisi de se faire homme, François revêt la dalmatique de diacre. À quelques pas, Giovanni regarde avec émotion la joie de son ami. Puis il l’écoute proclamer l’Évangile. « Voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Dans cette nuit de Noël avec sa mangeoire éclairée par les astres et les torches, entre son froid mordant, le bruit et l’odeur de l’âne et du bœuf, Greccio est la nouvelle ville de David, Greccio est la nouvelle Bethléem. 
La Parole de Dieu proclamée, François la commente et fait brûler le cœur de tous en évoquant celui qu’il appelle « l’enfant de Bethléem ». Pendant qu’il parle, un homme connu pour ses qualités tourne les yeux vers la mangeoire. Là, immobile, il reçoit la vision d’un nouveau-né. Dieu parmi nous. En son cœur, comme en celui des villageois autour de lui, est ravivé le désir d’imiter l’humilité de Dieu. Quant à Giovanni, il est plein d’admiration pour son ami dont l’intuition permet de faire grandir la foi des uns et des autres.
Bien vite, l’idée de François est connue dans les villages alentours. Rapidement, les campagnes italiennes s’en inspirent et, à leur tour, créent leurs propres crèches vivantes. Mais au-delà du jour de Noël, comment donner à voir la simplicité et l’humilité de la naissance de l’enfant-Dieu ? Bien vite, la réponse est trouvée. Il s’agira de maquettes avec des petites figurines. Joseph, Marie, les Rois mages sont là bien sûr. Mais comme à Greccio, bien vite d’autres personnages viennent les rejoindre. Le berger avec ses animaux, le meunier, le pêcheur… Ce sont les fameux santons. 
« De ses yeux de chair », François a vu l’histoire de la naissance de Jésus. Bientôt, sa chair partagera la Passion du Christ. Deux ans après cette première crèche vivante à Greccio, François recevra les stigmates, ces marques des plaies subies par Jésus sur la Croix. En regardant l’abaissement de Dieu, François a rejoint son humilité pour comprendre son incarnation. 

Updated on 09 Décembre 2025
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