La mission, un défi !

23 Septembre 2015 | par

Comment est-on missionnaire aujourd’hui, dans un monde fragmenté, globalisé et parfois déprimé ? Voici une question que se pose, ou devrait se poser, chaque baptisé. Dans sa Première Règle, saint François d’Assise, expliquait déjà à ses frères le sens de la mission (Comment les frères doivent aller de par le monde). Il soulignait d’abord le dépouillement : « qu’ils ne portent rien en route, ni bourse, ni besace, ni pain, ni argent, ni bâton », pour faire place à l’autre et venir à lui sans esprit de calcul mais bien de rencontre. C’est ce dépouillement, cette pauvreté élémentaire qui ouvre l’espace de l’altérité. La mission est aussi marquée chez saint François par cette paix qui vient de Dieu, et qui touche tout homme en tout lieu : « En quelque maison qu’ils entrent, qu’ils disent d’abord : Paix à cette maison. »

Lors de sa rencontre avec les membres du Chemin néocatéchuménal au mois de mars dernier, le pape François est revenu très précisément sur cette urgence missionnaire. « Sous toutes les latitudes, nos contemporains ont besoin de sentir que Dieu les aime et que l’amour est possible » expliquait le souverain pontife avant d’envoyer en mission des familles sur chaque continent. En rendant hommage au charisme missionnaire du Chemin néocatéchuménal, le Pape a surtout voulu mettre en avant la nouvelle dimension de la mission dans un monde, a-t-il précisé, où se trouvent des « chrétiens baptisés auxquels la sécularisation, la mondanité et tant d’autres choses ont fait oublier la foi ». Pour le pape François, il est donc nécessaire de « réveiller » cette foi. L’Église doit ainsi passer d’une pastorale de simple conservation à une pastorale résolument missionnaire, si elle veut éviter de rester dans des eaux stagnantes.

 

L’Esprit de Dieu qui nous précède

« On peut avoir des idées, prendre des initiatives, mener des programmes pastoraux, mais ce qui est préalable à toute notre action, c’est d’abord ce que Dieu fait à travers nous » souligne Mgr Dominique Rey, l’évêque de Fréjus-Toulon, très actif dans les activités d’évangélisation, insistant sur ce « primat de la grâce » essentiel à toute démarche évangélisatrice. Car quel que soit le contexte culturel et social dans lesquels la mission s’exerce, et quelles que soient les personnes rencontrées, nous n’arrivons pas en terrain totalement à défricher. « Où que vous alliez, il est important de se rappeler que l’Esprit de Dieu nous précède (…) Le Seigneur sème les graines de son Verbe, même dans les endroits les plus reculés et les cultures les plus diverses », soulignait le Pape lors de sa première rencontre avec les membres du Chemin néocatéchuménal.

Dès le début de son pontificat, Benoît XVI avait tenu à rappeler le besoin d’un renouvellement missionnaire, montrant ainsi son inquiétude devant la déchristianisation des pays riches, l’Europe en tête. « Je considère que dans toute l’Europe nous devrions réfléchir sérieusement sur la façon dont aujourd’hui nous pouvons réaliser une véritable évangélisation, pas seulement une nouvelle évangélisation, mais souvent une véritable et réelle première évangélisation », disait-il en rencontrant en 2005 les évêques allemands. On peut y lire ici les prémisses du Motu Proprio Ubicumque et semper publié en octobre 2010 et instituant le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation. Pour le pape allemand, l’urgence missionnaire consiste à ré-évangéliser la vieille Europe, dans des régions « d’antique christianisation », marquées par la sécularisation accélérée.

 

Une mission qui s’incarne dans nos limites

Si le pape François, premier latino-américain élu successeur de Pierre semble regarder plus vers les « périphéries » loin de nos contrées oc-

cidentales, l’urgence de la mission n’en reste pas moins au cœur de son pontificat, sans rupture avec ses prédécesseurs. Cet appel à la mission demande d’abord un retour sur soi-même, une introspection pour bien comprendre que l’enjeu se situe dans nos réalités concrètes de vie et ainsi avec nos limites humaines. « Un cœur missionnaire est conscient de ces limites et se fait faible avec les faibles », souligne le pape François dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium. (45) L’Église est ainsi comme une « mère à cœur ouvert » précise le Saint-Père, où chacun a sa place et où donc il peut être rejoint. Cela n’enlève rien aux défis de la mission, au contraire. Comme le rappelle encore le pape argentin, les défis existent pour être relevés, l’important est de rester réalistes et ne pas laisser l’enthousiasme missionnaire, qui demande de l’audace, de la joie et du « dévouement plein d’espérance » (EG, 109).

Et l’essentiel est sans doute là : garder cet enthousiasme de la mission, sans oublier que l’Évangile « répond aux nécessités les plus profondes des personnes », cultiver cette proximité avec le Christ dont chaque baptisé porte la marque, car comme l’écrit encore le pape François : « le véritable missionnaire, qui ne cesse jamais d’être disciple, sait que Jésus marche avec lui ». 





La nouvelle évangélisation doit impliquer que  chaque baptisé soit protagoniste d’une façon nouvelle.

Cette conviction se transforme en un appel adressé à chaque chrétien, pour que personne ne renonce à son engagement pour l’évangélisation, car s’il a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve, il n’a pas besoin de beaucoup de temps de préparation pour aller l’annoncer, il ne peut pas attendre d’avoir reçu beaucoup de leçons ou de longues instructions. Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ ; nous ne disons plus que nous sommes « disciples » et « missionnaires », mais toujours que nous sommes « disciples-missionnaires ». Si nous n’en sommes pas convaincus, regardons les premiers disciples, qui immédiatement, après avoir reconnu le regard de Jésus, allèrent proclamer pleins de joie : « Nous avons trouvé le Messie » 



Pape François, Evangelii Gaudium (120)

Updated on 06 Octobre 2016