La nouvelle jeunesse du chant liturgique

Avec la multiplication de chœurs de jeunes, le chant liturgique semble connaître un véritable retour en grâce. Forts de ce nouvel élan, certains se servent de la musique sacrée pour évangéliser.
04 Avril 2021 | par

Au début de l’année, un utilisateur du réseau social Twitter a lancé un grand tournoi : déterminer le chant de messe préféré des internautes. Sur ce site plutôt habitué aux informations, débats, l’initiative détonnait. Organisé comme une compétition sportive, ce grand tournoi a permis de désigner un grand gagnant parmi une sélection de pas moins de 32 chants liturgiques : le Psaume de la Création, composé par Patrick Richard. Avec plus de 52 % des voix, il l’a emporté sur Si le Père vous appelle, de Didier Rimaud.
Au total, plus d’un millier de personnes ont voté au dernier tour de cette compétition. Loin d’être anecdotique, ce chiffre montre l’intérêt qui existe actuellement pour le chant liturgique, y compris chez les jeunes. Ces dernières années – avant la pandémie –, de nombreux chœurs de chants religieux se sont constitués, souvent portés par des hommes et des femmes d’une vingtaine ou trentaine d’années. « J’ai vécu un retour à la foi vers l’âge de 20 ans, explique Thibaud. La musique liturgique a été une jonction entre ma passion pour la musique et mon intérêt renouvelé pour l’Église. » Désormais, le jeune homme fait partie de plusieurs chœurs de musique sacrée.

2 000 nouveaux chants par an
Et Thibaud n’est pas le seul dans ce cas. Le succès des chorales liturgiques auprès des jeunes est tel que depuis 2017, un grand week-end de rassemblement est proposé tous les deux ans sous le nom d’Ecclesia Cantic. Venus de France entière, ces jeunes s’y retrouvent pour partager leur passion commune, apprendre, se former, progresser et chanter ensemble. D’autres initiatives existent, comme la Route chantante Sitio. Depuis 2012, les initiateurs de ce projet sont animés par l’idée d’« allier la beauté du chant polyphonique à une mission itinérante dans les campagnes de France ». « Par la beauté du chant, la vie fraternelle, la vie spirituelle, et la marche, la Route chantante Sitio propose aux étudiants et jeunes professionnels entre 18 et 30 ans des moments privilégiés de ressourcement et d’épanouissement personnel enracinés dans le Christ », est-il indiqué sur le site Internet de cette initiative.
Comme le montre la Route chantante Sitio, la passion des chanteurs pour le chant liturgique s’accompagne bien souvent d’un désir d’évangélisation. Les participants se placent dans des lieux de passage et attirent les badauds par leurs mélodies, détaille Thibaud, qui a participé à certaines de ces représentations. Comme l’affirmait en 2006 le Conseil pontifical pour la culture, un des organes du Saint-Siège, la Via pulchritudinis (la voie de la beauté) est bien un « chemin d’évangélisation des cultures et de dialogue avec les non-croyants ». « Lorsque nous écoutons un morceau de musique sacrée qui fait vibrer les cordes de notre cœur, notre âme est comme dilatée et s’adresse plus facilement à Dieu », soulignait ainsi Benoît XVI lors d’une audience générale en août 2011.
Gage que l’intérêt renouvelé pour le chant liturgique est véritable, la production est elle aussi particulièrement importante. Chaque année, ce sont environ 2 000 nouveaux chants qui sont soumis par les auteurs et les éditeurs au service dédié de la Conférence des évêques de France. « Il y a aujourd’hui toute une nouvelle génération de compositeurs de musique sacrée, s’enthousiasme Thibaud. Beaucoup d’entre eux ont le désir que leur musique soit libre d’accès et facilement transmissible. » Certains mettent ainsi gratuitement à disposition leurs partitions, trouvables en quelques clics sur Internet.

Formation de jeunes compositeurs
Musicien professionnel, ancien élève du conservatoire Royal de Bruxelles, récipiendaire de prix en écriture d’harmonies, Benoît Collet est l’un de ces compositeurs de musique sacrée. « La composition de chant liturgique m’est venue après une rencontre personnelle avec le Christ, se souvient-il. Nous avons chacun nos talents et j’ai voulu mettre les miens au service du chant, puisque la musique fait intégralement partie de ma vie. » Comme pour Thibaud, la foi du compositeur est intimement liée à la musique. « J’ai eu un certain rejet de l’Église dans mon adolescence, notamment parce que j’étais irrité par la médiocrité musicale et la pauvreté des paroles de certains chants des années 1960-1970. » Après être revenu à la foi, l’implication pour une belle musique liturgique s’est donc « imposée comme une évidence ».
Lui-même auteur d’une centaine de chants liturgiques, Benoît Collet s’enthousiasme de la période « palpitante » et de l’engouement actuel pour la musique sacrée. « Il y a beaucoup de production, des styles très variés qui cohabitent, des influences grégoriennes, modernes… », se réjouit-il. Selon lui, il y a « un bouillonnement, une belle émulation » de l’écriture de chants liturgiques dans l’Hexagone. Preuve en est, les week-ends Veni compositor, organisés deux à trois fois par ans. « Il y a une vingtaine de jeunes par session, qui travaillent très dur, assure
Benoît Collet qui y participe souvent comme formateur. Ces initiatives sont très importantes, car elles montrent que des jeunes écrivent déjà de la musique sacrée et veulent approfondir leurs connaissances pour écrire encore mieux. »
Pour ce compositeur à la voix enthousiaste, le travail de composition n’est jamais fini. Il espère donc que cet élan permettra de « renouveler le chant liturgique de l’intérieur et redéchiffrer ce qui pouvait exister dans des périodes passées ». Il veut ainsi que soient identifiées de « nouvelles formes, par exemple la sortie de la sempiternelle structure refrain-couplets ». Malgré des siècles  d’existence, la musique sacrée semble donc avoir une nouvelle jeunesse devant elle, d’autant plus forte qu’elle pourra puiser dans son riche patrimoine pour se réinventer et continuer d’attirer.

Updated on 04 Avril 2021
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