Laissez les chrétiens en paix

17 Décembre 2014 | par

En ce début d’année, nous échangeons autour de nous nombre de vœux de paix : la paix dans les cœurs, dans le monde, vis-à-vis des chrétiens qui souffrent. Alors que le pape François s’apprête à partir au Sri Lanka, pays de forte discrimination religieuse, tournons notre regard vers les chrétiens persécutés à travers le monde entier. Compassion et action.



Exil, exode, souffrance, discrimination, disparition… Ces termes sont tristement associés aux chrétiens en diverses parties du monde, et particulièrement ceux du Moyen-Orient, fortement persécutés ces derniers mois. Le pape François a multiplié les appels à la communauté internationale au profit des chrétiens persécutés et tués au motif de leur credo religieux. Fin novembre, en Turquie, il a souhaité que les croyants de toutes les religions puissent opposer « la solidarité » au « fanatisme », au « fondamentalisme » et aux « phobies irrationnelles ». À Ankara, devant le plus haut responsable de l’islam dans le pays, le pape a appelé au dialogue en déplorant aussi que les chrétiens d’Irak et de Syrie aient été « chassés de force de leurs maisons », qu’ils aient dû « tout abandonner pour sauver leur vie et ne pas renier leur foi ».

 

Les martyrs d’Irak


Les chrétiens d’Irak vivent le calvaire. Ils sont la cible de l’État islamique. Leurs maisons sont toutes marquées d’un sigle signifiant qu’elles sont habitées par des chrétiens et qu’elles appartiennent désormais à l’État islamique. Les chrétiens d’Irak ont le choix entre la fuite, la conversion à l’islam ou la mort. Ils ont reçu « un coup fatal au cœur de leur vie et de leur existence », explique le patriarche des Chaldéens, Mgr Louis Sako. En effet, rien que parce qu’ils sont chrétiens, leurs biens, leur argent, leurs documents sont accaparés et leurs maisons occupées. Face à cette souffrance, le pape assure aux chrétiens qu’ils sont « dans le cœur de l’Église » et va jusqu’à dire qu’elle est « fière » d’avoir des enfants comme eux. Leur foi demeure intacte et leur force du pardon va au-delà de raisonnements humains. « Je ne crois pas que Dieu nous ait créés en Irak par hasard, affirment certains jeunes Irakiens. Nous savons que nous prendrons des coups, nous sommes le sel de cette terre et nous devons être fidèles. » Pour Mgr Sako, « si la situation ne change pas, le monde entier devra prendre la responsabilité du lent génocide de cette composante de la société irakienne et de sa culture multiséculaire ».

 

Partout ailleurs

Si la baisse de la présence chrétienne sur la terre où est né et d’où s’est diffusé le christianisme est un drame, de trop nombreux autres pays dans le monde oppriment et harcèlent les chrétiens. En Turquie, ils ont aujourd’hui quasiment disparu alors qu’ils représentaient la population chrétienne la plus importante du Moyen-Orient il y a peu. Au Nigeria, être chrétien est une faute et aller à la messe est risqué à cause des incursions de Boko Haram (« l’éducation occidentale est un péché », en langue haoussa) dans les églises. Le régime communiste de Corée du Nord considère quant à lui la propagation du christianisme comme une menace particulièrement grave et persécute ouvertement les chrétiens ; seul le culte à la dynastie régnante est autorisé. Des pogroms antichrétiens avaient ravagé une partie de l’Est de l’Inde en 2008. Dans l’un de ses pays limitrophes, le Pakistan, on ne peut passer sous silence l’assassinat du ministre chrétien, Shabbaz Bhatti, en 2011, ou encore ce jeune couple accusé de blasphème et brûlé vif. La liste est longue. Plus de 50 pays ont vu leur situation se détériorer ces trois dernières années, selon une étude réalisée par l’Aide à l’Église en Détresse. Sur les 20 pays classés dans la catégorie de « haute intolérance », 14 connaissent des persécutions liées à l’extrémisme musulman – Afghanistan, Pakistan, Maldives, Irak, Iran, Syrie, Arabie saoudite, Yémen, Égypte, Libye, Soudan, Nigeria, République centrafricaine, Somalie – et six autres sont soumis à des entraves dues à des régimes autoritaires : Birmanie, Chine, Corée du Nord, Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Érythrée. Cette étude prouve que trop de chrétiens ne connaissent plus la sécurité, la sérénité, et ne peuvent plus professer librement leur foi dans leurs propres pays.

 

Dégradation de la liberté religieuse

Le nombre de chrétiens persécutés dans le monde oscillerait entre 100 et 150 millions d’âmes. Ce nombre, en hausse constante, fait du christianisme la religion la plus persécutée au monde. Même si l’on pense souvent à la mort, les chrétiens ne sont pas violentés de la même manière partout dans le monde. Les pressions et persécutions à l’encontre des chrétiens peuvent se traduire par l’interdiction de croire en Dieu, de transmettre la foi ou une éducation religieuse, de se convertir au christianisme, de prendre part à la vie publique, de trouver du travail, de construire une église, mais aussi par des violences verbales ou physiques, des menaces sur leur vie. Face à la mort de ces chrétiens, le dominicain Timothy Radcliffe formule le vœu qu’un « fruit inattendu » puisse éclore, celui de « la destruction des barrières entre les individus » et l’ouverture de « nos yeux à la présence de Dieu en chaque être humain ». La paix est le fondement de toute vie. En ce début d’année, pour aider nos frères éprouvés, intensifions notre prière et répondons généreusement aux sollicitations des organisations caritatives qui leur viennent en aide.





« Nous ne pouvons  nous résigner à penser au Moyen-Orient sans les chrétiens qui, depuis deux mille ans, y confessent le nom de Jésus.

Les derniers événements, en particulier en Irak et en Syrie, sont très préoccupants. Nous assistons à un phénomène de terrorisme aux dimensions auparavant inimaginables. Un grand nombre de nos frères sont persécutés et ont dû quitter leurs maisons, parfois brutalement.

Il semble que l’on ait perdu la conscience de la valeur de la vie humaine, il semble que

la personne ne compte pas et que l’on peut la sacrifier à d’autres intérêts. Et tout cela, malheureusement,

dans l’indifférence de nombreuses personnes. Cette situation injuste exige, outre notre prière constante, également une réponse adéquate de la part de la communauté internationale. »

 

Pape François, Consistoire ordinaire, 20 octobre 2014

Updated on 06 Octobre 2016