Le chapelet, une nouvelle jeunesse
Nous sommes le 28 octobre 2015. À l’issue de son audience générale tenue comme chaque mercredi place Saint-Pierre, le pape François invite à se tourner vers la Vierge Marie : « En conclusion de ce mois d’octobre, invoquons Marie, la mère de Jésus », lance-t-il à la foule avant d’exhorter les jeunes présents à « apprendre à la prier par la prière simple et efficace du rosaire ». Un appel qu’il réitéra un an plus tard du même endroit, en expliquant que « cette prière mariale est la voie pour interpréter la volonté de Dieu sur notre vie ». Le Pape argentin a une dévotion particulière pour le rosaire, transmise notamment par sa grand-mère. Le 31 mai 2013, il clôt le mois de Marie avec la récitation du chapelet non pas, comme le veut la tradition, devant la réplique de la grotte de Lourdes située dans les jardins du Vatican, mais sur la place Saint-Pierre, en présence de 40 000 fidèles. Son souci pastoral envers les jeunes se manifeste aussi régulièrement à travers ses rencontres et ses discours. Pour le Pape, le rosaire est la porte d’entrée privilégiée vers Marie et donc vers Jésus.
L’un des lieux communs concernant le rosaire serait son côté démodé. Comme si l’une des manières les plus spontanées de prier était devenue « has-been ».
Le rosaire, accessible à tous
« Il n’est pas démodé car il n’a jamais été à la mode, réplique le frère Louis-Marie Ariño-Durand, promoteur général du rosaire pour l’ordre dominicain, le rosaire est hors du temps, explique-t-il, comme Dieu ». À l’occasion du jubilé marquant les 800 ans de la confirmation de l’ordre de saint Dominique, de nombreux groupes de jeunes priant le rosaire se sont relayés dans tous les monastères de l’Ordre en France notamment. Une prière qui a suscité l’étonnement de la part des Dominicains eux-mêmes. « Des sœurs qui venaient d’organiser une veillée de prière avec 90 jeunes m’ont écrit pour me demander pourquoi tous ces jeunes reprenaient le rosaire, explique le père Louis-Marie Ariño-Durand. Pour lui, le rosaire attire les jeunes pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il s’agit d’un objet et donc d’une prière incarnée, c’est ensuite une prière « où il ne faut pas inventer grand-chose, ce qui parle à de nombreux jeunes qui expliquent ne pas toujours avoir les mots pour prier ». Certains jeunes qui reviennent à la foi ont, en effet, besoin de ces formules car cela leur donne un cadre qu’ils n’auraient pas inventé par eux-mêmes, note le dominicain. Enfin, le rosaire est souple, dans tous les sens du terme : on peut le prier seul ou en groupe, en marchant en pèlerinage. Ce qui en fait une prière éminemment accessible à tous.
Le père Eugenio Zabatta dirige le siège national de l’association du rosaire perpétuel à Florence. De l’Italie entière, des milliers de fidèles s’inscrivent à « l’heure de garde », un engagement de méditer les mystères du rosaire une fois par mois. Ce rosaire vivant est un héritage de la Lyonnaise Pauline Jaricot. « La formule attire de très nombreux jeunes », se réjouit-il, qui s’inscrivent sur internet. On y choisit le jour et l’heure, et un livret, le Guide pour l’heure de garde, est envoyé. « Ainsi, le rosaire est prié vingt-quatre heures sur vingt-quatre, explique le père Eugenio. Pour les jeunes qui se sont inscrits, cette prière permet de tisser des liens étroits, elle libère de l’isolement et du pessimisme ». Pour le curé florentin, les jeunes en particulier sont réceptifs à cette prière perpétuelle car elle répond à une quête spirituelle vivifiante, accessible et nourrissante.
Une nouvelle « mise en réseau »
C’est un fait, les jeunes prient de plus en plus le chapelet. Un constat qui est dressé chaque année à Lourdes lors du pèlerinage organisé chaque année au mois d’octobre. Un rendez-vous qui rassemble plus de 20 000 personnes dont près de 2 000 malades et 4 000 bénévoles. Un temps partagé aux pieds de la Vierge, apparue à Bernadette dans la grotte de Massabielle. « C’est souvent là, dans la récitation du rosaire, où chaque jour les intentions sont déposées et confiées à Marie, que les cœurs s’ouvrent, en particulier chez les plus jeunes », explique le père Pierre-Étienne Veiller responsable des jeunes au pèlerinage. L’an dernier encore, de nombreux lycéens y ont vécu leur première expérience d’Église. « Prier le chapelet devant la grotte a été une bouffée d’oxygène, témoigne Thibaut, lycéen en première d’Ille-et-Vilaine, il a fallu couper le portable pour se sentir en communion, avec la Vierge et entre nous. Ce fut pour moi un véritable moment de cœur à cœur où chacun est venu déposer son fardeau ». L’an prochain, Thibaut s’est juré de revenir à Lourdes avec son meilleur copain, non-croyant.