Le choix de la sobriété

En ce temps de Carême, l’Église invite particulièrement à retrouver une sobriété dans toute notre existence. Ce style de vie nous rapproche de la Création et du Créateur, comme nous le rappellent ces chrétiens qui ont changé de vie pour être plus sobres.
08 Mars 2018 | par

Prudence, simplicité, concision, équilibre et tempérance. Telle est la définition que le pape François donne de la sobriété. Elle est « la capacité à renoncer au superflu et à résister à la logique consumériste dominante », précise-t-il en décembre 2015. Peu de jours après, dans la nuit de Noël, le Pape insiste sur ce thème. Il affirme que dans une société « souvent éprise de consommation et de plaisir, d’abondance et de luxe, d’apparence et de narcissisme, Dieu nous appelle à un comportement sobre, c’est-à-dire simple, équilibré, cohérent, capable de saisir et de vivre l’essentiel ».

Cette sobriété est loin de rimer avec austérité et renoncement à tous les plaisirs de l’existence ! En choisissant d’être sobre, le silence est préféré au bruit, la nature aux distractions des grandes villes, les rencontres personnelles au virtuel d’Internet. On préfère avoir peu et goûter à la bonté des choses. On se rend compte alors que la surabondance des biens encombre l’âme et que « la sobriété est féconde parce qu’elle rétablit un rapport plus juste, plus harmonieux au monde, en nous empêchant d’en bouleverser les équilibres subtils », explique Gaultier Bès (cf. interview p.12-14).

 

Sobre et… heureux
Le chrétien qui choisit de vivre sobrement dit « non » aux idoles qui sollicitent ses désirs et « non » au démon qui lance ses filets. La sobriété apparaît comme une protection contre le diable qui essaie d’étourdir l’âme et ainsi de l’endormir.

Les trois désirs que l’homme cherche à rassasier sont les plaisirs, les richesses, les honneurs ; les plaisirs peuvent se traduire par la jouissance et la recherche de toujours se sentir bien. Le fait de posséder, d’acheter et de se sentir en sécurité et tout-puissant grâce à l’argent constituent les richesses. Quant à la recherche des honneurs, elle se caractérise par la quête de reconnaissance, de popularité et des images de soi.

Or, Jésus donne plus et mieux que ce que l’on peut chercher dans cette course sans fin au « toujours plus » qui semble guider nos existences. L’avidité de posséder est freinée par la sobriété. « Vivre sobrement, c’est aussi ne pas être angoissé par le vide et être disponible à ce qui vient », explique Guillaume, qui a lâché sa carrière en comptabilité bien lancée pour vivre plus simplement et plus proche de ses contemporains en devenant chauffeur de poids lourd.

En somme, « le choix d’une vie sobre, c’est faire l’expérience que, dans le désir et le dénuement, Jésus est déjà présent. La sobriété est un art de vivre avec Dieu », confient Romain et Laure, qui ont choisi de reprendre une toute petite entreprise artisanale et de quitter leur voix bien tracée dans l’agroalimentaire. Un choix de vie plus sobre qui les rend heureux ! Le christianisme n’est pas une religion de frustrations engendrant la tristesse ou la peur de vivre. Le christianisme invite au bonheur, qui se trouve dans la rencontre avec Jésus.

 

Intensité et vigilance
Notre société fait tout pour alimenter la frustration de nos contemporains et pousser à la consommation compulsive en nous faisant croire que le bonheur est à portée d’un seul clic. Or, il y a un lien étroit entre la vigilance et la sobriété car cette dernière est l’opposé de l’ébriété, de la satiété.

Sobriété et vigilance alimentent la foi. Être sobre, c’est garder une place pour Dieu et regarder le monde avec les yeux de Dieu. Mon prochain et le service envers les autres deviennent prioritaires. Celui qui est sobre, aux yeux du pape François, « sait réduire, récupérer, recycler, réparer et vivre avec le sens de la mesure ». Pour le prédicateur de la Maison Pontificale, le père Raniero Cantalamessa, « nous sommes tous appelés à nous engager pour l’idéal de la sobriété et du respect de la Création, mais nous, chrétiens, nous devons le faire pour une raison et avec une intention en plus et transcendante ».

Vivre intensément avec peu nous amène à redevenir ainsi capables d’apprécier et d’être satisfaits par les rencontres fraternelles, l’art, le contact avec la nature, la prière. Selon le pape François, « le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu’offre la vie ». « Quand on essaie de garder une abondance de possessions, cela ferme souvent nos yeux à ce qui nous entoure », expliquent encore Romain et Laure dont les yeux et le cœur sont grand ouverts.

 

Attendre
L’homme sobre « est tenu en éveil par son attente, par la faim, par l’incomplétude de son désir. La sobriété est en quelque sorte l’huile de sa lampe : le refus de la satiété, du rassasiement illusoire de ce monde, alimente continuellement son attente », peut-on lire sous la plume d’un religieux carme contemporain. L’homme sobre attend et accepte de souffrir du manque.

Attendre devrait être un réflexe devant l’instinct de consommation car le temps atténue souvent les désirs et nous aide à nous séparer de l’illusion que posséder rend heureux. Le mystère de Noël est précédé par un long temps d’attente, l’Avent. Cette fête de la Nativité est, selon le père Cantalamessa, « un rappel fort à cette sobriété et parcimonie dans l’utilisation des choses. Le Créateur lui-même nous donne l’exemple. En se faisant homme, Il s’est contenté d’une étable pour naître ».

À l’image de tant de chrétiens qui ont choisi une vie sobre, gardons un œil et un cœur constamment ouverts pour ne « pas entrer en tentation ». Sobriété et sainteté avancent main dans la main vers l’éternité.

Updated on 26 Mars 2018
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