Le diaconat, un ordre pour servir

17 Mai 2016 | par

Quand on parle du diaconat, c’est aux origines de l’Église que l’on remonte. Diakonos tire sa racine du grec et signifie « serviteur ». Une qualité qui, dès le Nouveau Testament, est attribuée au Christ lui-même : « Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon bien-aimé en qui je trouve mon bonheur » (Mt 12, 18). Dans les premiers temps de l’Église, les diacres avaient la responsabilité des œuvres de charité envers les plus pauvres, comme les veuves et les orphelins. Mais le statut même du diacre dans la liturgie et sa fonction propre dans la hiérarchie de l’Église sont d’abord assez flous. C’est au IVe siècle que le diaconat est considéré comme un élément essentiel de la hiérarchie de l’Église locale. En 306, le concile d’Elvire en Espagne fixe, en effet, un certain nombre de règles internes à l’Église. Le diacre a un rôle prépondérant dans l’administration de l’Église, et la possibilité de donner l’absolution des péchés dans certains cas urgents lui est même conférée. Cette prérogative va poser la question de la possibilité de présider à l’Eucharistie et créer parfois tensions et rivalités entre les ministres chargés d’administrer le corps du Christ et les autres. Au fil des siècles, l’Église va considérer la fonction du diacre comme un degré transitoire vers la prêtrise. Il faut attendre le concile Vatican II pour que la fonction propre du diacre soit réhabilitée, et avec elle son apport crucial à la vie ecclésiastique et paroissiale.

C’est le pape Paul VI, en convoquant l’assemblée conciliaire, qui a réhabilité le diaconat permanent. Face à la limitation du nombre de prêtres dans certaines terres de mission, les pères conciliaires s’accordent à une très large majorité sur « l’opportunité d’instaurer le diaconat comme degré distinct et permanent du saint ministère ». Le ministère ecclésiastique, institué par Dieu, est exercé dans la diversité des ordres par ceux que, déjà depuis l’Antiquité, l’on appelle évêques, prêtres, diacres rappelle ainsi la constitution dogmatique Lumen Gentium. La fonction du diacre et sa richesse est remise en lumière. L’ordre du diaconat est rétabli comme état de vie permanent. L’Église rappelle que le diaconat s’inscrit dans les premiers temps du christianisme.

 

Le diacre, « l’autre main de l’évêque »

Le diacre n’est pas un « sous-prêtre » ni un « super laïc » rappelle la Conférence des évêques de France. Dans sa lettre de mission aux diacres permanents écrite en 2012, Mgr Bouilleret, évêque d’Amiens et président de la Commission épiscopale pour les ministres ordonnés et les laïcs en mission ecclésiale, soulignait que le diacre incarnait le service de l’Église dans la société, rappelant aussi que la vie familiale est première. Pour ces diacres mariés, il n’y a donc pas de « rivalité » avec le prêtre, juste une complémentarité des charismes au service de la communauté ecclésiale.

« L’évêque a deux mains, le prêtre et le diacre, aimait rappeler le cardinal Lustiger, ancien archevêque de Paris, et la relation entre l’évêque, le prêtre et le diacre n’est pas une hiérarchie de type militaire, dont les diacres seraient l’échelon inférieur ; mais le ministère ordonné est un ensemble organique, à la fois lié et différencié », précisait-il. Le diacre reçoit sa mission de l’évêque, par l’imposition des mains.

Si l’on regarde les chiffres, on tire de précieux enseignements. Depuis 25 ans, selon les statistiques de l’Église de France, les ordinations diaconales s’élèvent à une centaine en moyenne chaque année. D’à peine 600 en 1990, ils sont près de 2 500 aujourd’hui, avec 95 ordinations en 2014. Le même dynamisme se constate à l’échelle mondiale : de 33 000 en 2005, les diacres permanents sont presque 45 000 en 2014 ! Mais on peut aussi noter que l’aide des diacres permanents assurée aux prêtres en complément de l’action pastorale sur le territoire reste encore restreinte : pour 100 prêtres résidents les diacres sont ainsi à peine 11 pour l’année 2014 (8 en Europe). Des chiffres relativement modestes.

 

Un dynamisme pour les Églises occidentales

Mais comme les vocations sacerdotales, une approche uniquement statistique a ses limites. Plus que parler de « chiffre », l’Église préfère mettre l’accent sur une redécouverte de la fonction même du diacre. La forte expansion des diacres permanents depuis un quart de siècle dans le monde correspond aux choix nouveaux opérés dans l’œuvre de mission et d’annonce de la Parole de l’Église. Dans sa lettre aux diacres permanents publiée en 2009, le cardinal Claudio Hummes, alors préfet de la Congrégation pour le clergé, soulignait combien, à l’image de saint Étienne, diacre et martyr, le ministère de la Parole était un don précieux pour le diaconat, et qu’à la suite d’un autre diacre, saint Laurent, le ministère de la charité envers les plus pauvres était une richesse essentielle pour l’Église.

Le diaconat est devenu au fil du temps plus « en prise » avec le monde où sont envoyés ces ministres. « Je ne suis pas certain de croire en Dieu, mais je suis profondément touché que ton Église te délègue auprès de nous », confiait un ami au diacre et journaliste Bertrand Révillon, le jour de son ordination.

Face aux défis du IIIe millénaire, certaines voix se font entendre pour faire avancer la réflexion sur l’ordination de femmes au diaconat. Dans l’histoire de l’Église primitive, les diaconesses ont eu un rôle important. S’il s’est agit d’assurer un service caritatif principalement auprès des femmes, elles pouvaient également administrer le baptême aux femmes par immersion, une tradition en vigueur jusqu’au VIe siècle. L’Église n’a jusqu’ici jamais considéré cette fonction comme le simple équivalent du diaconat masculin. En 2013, le président de la Conférence épiscopale allemande expliquait que la question du diaconat féminin ne serait probablement plus longtemps taboue.De fait, devant des religieuses du monde entier, le pape François vient juste de relancer le débat en souhaitant la création d’une commission qui réfléchisse à cette question.

« L’Église vous remercie et reconnaît votre don et la qualité de votre engagement ministériel. Elle veut aussi vous encourager sur la voie de la sanctification personnelle, de la vie de prière et de la spiritualité diaconale. À vous aussi

on peut appliquer ce que

le Pape a dit aux prêtres pour l’Année sacerdotale : il faut “favoriser cette tension des prêtres vers la perfection spirituelle, dont dépend surtout l’efficacité de leur ministère (…)”

On ne comprendrait pas un diacre qui ne s’engagerait pas personnellement dans la charité et dans la solidarité envers les pauvres qui, aujourd’hui, se multiplient à nouveau. (…) Que Dieu vous bénisse de tout son amour et qu’il vous rende heureux dans votre vocation et votre mission ! Je salue avec respect et admiration les épouses et les enfants de ceux qui, parmi vous, sont mariés. L’Église les remercie pour le soutien et la collaboration multiforme qu’ils apportent à leurs époux et à leurs pères dans le ministère diaconal. »

 

Lettre aux diacres permanents du cardinal Hummes,

préfet de la Congrégation pour le clergé,

10 août 2009

Updated on 07 Octobre 2016
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