Le silence, doux et réparateur

21 Avril 2024 | par

Le prudent et fidèle serviteur du Seigneur, voyant que le peupledevait se réserver pour le nécessaire travail de la récolte, jugea bon d’interrompre sa prédication jusqu’à un temps convenable. Ayant dit adieu aux foules, il se mit à la recherche d’un endroit retiré et se rendit au lieu dit Camposampiero, désireux de s’y trouver une quiète solitude.
Vita assidua 15

S’arrêter de temps en temps et rester seul, en silence, est important. On pourrait énumérer l’une après l’autre les raisons pour lesquelles il est bon de se réserver des haltes, et pourquoi le fait de rester parfois dans la solitude nous permet de nous retrouver, pourquoi le silence peut nous aider à trouver une certaine sérénité. Le risque est cependant de tomber dans la rhétorique, d’exalter de manière idéaliste des dimensions qui en réalité sont très fatigantes et peuvent même sembler contradictoires.
En regardant précisément ce que fait saint Antoine, cela vaut peut-être la peine de mettre en évidence certaines contradictions, vraies ou apparentes. Alors que tout le monde travaille, notre saint bien-aimé se retire et s’accorde un temps de repos. Où est sa générosité ? Tout le monde se consacre à des tâches pénibles, en bas, au contact de la dureté de la terre ; Antoine, lui, mène une vie protégée et céleste, en haut. D’ailleurs, peut-on dire que lui, protégé par l’ombre d’une plante verdoyante, est comme « une abeille travailleuse » ?
Certes, il avait beaucoup prêché et écouté de nombreuses personnes ; il avait bien droit à un peu de tranquillité. Mais peut-être les circonstances nous permettent-elles de trouver une explication un peu moins banale. Privilégier les temps de silence et de solitude est toujours un choix à contre-courant. Il est beaucoup plus naturel d’être actif, de se laisser porter par le flux tourbillonnant de nos tâches. Freiner, habiter des espaces qui ne produisent rien, comme lorsque nous sommes seuls et en silence, aussi séduisant que cela puisse paraître, exige en réalité une fracture, une déchirure, un abandon. Cela nous demande de renoncer à être les protagonistes dominants de notre temps. C’est très difficile ! Instinctivement, nous sentons que pour exister, il faut dire, parler, expliquer. Se taire, ce serait apparemment renoncer à vivre. Mais se taire, c’est tout sauf spontané ! Il faut pour cela une grande fermeté d’esprit.
En somme, ce que fait saint Antoine a quelque chose de paradoxal : en franchissant la frontière de l’évidence, nous découvrons que ce qui semble être une pause sereine et réparatrice est au contraire une tâche compliquée. Le noyer sur lequel il grimpe n’est pas un centre de bien-être au format miniature, mais un autre domaine de travail, différent. On nous dit que l’activité à laquelle s’adonne l’« abeille » Antoine est le « travail de la contemplation ». Cela peut signifier beaucoup de choses. Cela peut facilement revenir à la lecture passionnée de la Bible, où puiser l’énergie nécessaire à une future prédication vibrante. Ou encore, revisiter avec la mémoire du cœur le récit de tant d’histoires de vie entendues, se rappeler les regards de tant de personnes rencontrées demandant de l’aide et le pardon. Et voir dans tout cela que le Seigneur est à l’œuvre, dans la vie ordinaire d’hommes et de femmes qui se consacrent aux autres. Si saint Antoine est l’abeille, ces personnes sont peut-être les fleurs. Peut-être qu’une fois descendu du noyer, il a pu parler encore plus efficacement à ses auditeurs, en leur faisant goûter la consolation d’être déjà entre les mains de Dieu et que l’Évangile était déjà en train de germer dans leur vie. Comme un miel doux et silencieux.

 

Updated on 29 Avril 2024
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