Les mille crèches de Montréal

Fondé il y a 120 ans, par le frère André Bessette, le musée de l’Oratoire Saint-Joseph abrite une exposition permanente de crèches venant du monde entier.
29 Décembre 2024 | par

Montréal n’est pas seulement la ville aux cent clochers, elle est la ville aux mille crèches. Ce sont celles de l’Oratoire Saint-Joseph, phare du catholicisme au Canada et destination de pèlerinages, notamment à Noël, grâce à Une crèche, un monde, l’exposition permanente de crèches dans le musée de l’Oratoire. Ce dernier, fondé en 1904 par le saint frère André Bessette de la Congrégation de la Sainte-Croix, est également connu pour son imposant sanctuaire et son histoire de guérisons miraculeuses.
Actuellement, la collection compte plus d’un millier de crèches provenant des cinq continents et représentant plus d’une centaine de pays. Certaines crèches sont fabriquées dans des matériaux traditionnels tels que le bois, la pierre, la céramique et le verre ; d’autres, plus modernes, sont en plastique, en métal ou en matériaux recyclés. Chaque crèche raconte une histoire unique, soulignant l’importance de la Nativité dans les différentes cultures : il y a des crèches faites à la main par les peuples indigènes d’Amérique du Sud, des crèches en porcelaine réalisées en Europe, et même des crèches africaines sculptées dans la pierre.
Avant de devenir le sujet du musée, la crèche a été l’instrument qui a réveillé Montréal de la grisaille de la Seconde Guerre mondiale. En effet, lors de Noël 1950, la première crèche extérieure grandeur nature est installée à l’Oratoire Saint-Joseph. Cette initiative est l’œuvre du Comité chrétien de Noël, qui souhaite faire revivre une tradition encore relativement nouvelle au Québec. La première crèche remporte un grand succès. L’année suivante, les Frères de la Congrégation de la Sainte-Croix veulent en offrir une version plus raffinée et confient la tâche à Joseph Guardo, un artiste montréalais d’origine sicilienne. L’œuvre est inaugurée le 22 décembre 1951 sur la terrasse de l’Oratoire. La beauté des personnages en plâtre grandeur nature impressionne les visiteurs de tous âges.
C’est en 1976 que le Musée de l’Oratoire Saint-Joseph a commencé la tradition d’exposer des crèches de Noël en collaboration avec des prêteurs privés, des artistes et la communauté.
Chantal Turbide, directrice du Musée et conservatrice du patrimoine artistique, nous raconte son histoire. Elle a pris la relève du père André Bergeron, l’ancien conservateur, en 2010 : « Une fois la crèche extérieure de Guardo déplacée à l’intérieur, explique Mme Turbide, les personnages ont été habillés de costumes confectionnés par le costumier de théâtre François Barbeau. À l’extérieur de l’Oratoire, en revanche, devant le pavillon Sainte-Croix, un triptyque avec une crèche en résine créée par l’artiste québécois Fabien Tremblay a été installé de 1995 à 2015. Les murs latéraux racontent deux visions opposées de la Nativité : à gauche les bergers, selon l’évangile de Luc ; à droite les Mages, selon l’évangile de Matthieu. D’un côté le peuple, de l’autre l’élite. Au centre, l’Enfant Jésus dans la crèche, entre saint Joseph et la Vierge Marie, le bœuf et l’âne, dans une représentation typiquement médiévale. Au-dessus, la Jérusalem céleste ».
Après que les religieux eurent lancé un concours de crèches auprès des élèves des écoles du quartier, le père André Bergeron eut l’idée de monter une exposition des crèches qu’il avait collectées au fil des ans. « Aujourd’hui, sur une collection de plus de mille crèches, nous en exposons une centaine à tour de rôle, une par pays, tandis que toutes les autres sont conservées et cataloguées dans nos entrepôts. Chaque pays est représenté par sa technique, son design, son style et ses matériaux. Comme la crèche en verre de Murano pour l’Italie, et celle en tissu de laine bouillie pour l’Islande. Il y a plusieurs crèches en céramique et en terre cuite, comme celle d’un artiste haïtien. Il y a aussi une crèche anonyme fabriquée à partir du papier des bulletins paroissiaux. Une autre encore est faite de pâte d’encens naturel. Plusieurs sont en miniature, comme celle de Cuba. Une crèche allemande représente le personnage de Casse-Noisette sous les traits de saint François d’Assise, l’inventeur de la crèche vivante de Greccio, en 1223. Les crèches africaines, quant à elles, sont principalement en bois ou en métal, le bœuf et l’âne étant souvent remplacés par le zèbre et la girafe.
Chaque année, nous achetons de nouveaux exemplaires, même si la plupart sont des dons d’associations communautaires, d’ambassades et de familles. Comme celle, classique et typiquement italienne, que le gendre de Joseph Guardo nous a offerte en 2022. Ou celle, provençale, réalisée par les artistes Marcel Charbonnel et Marcel Chabot, réputée pour ses célèbres statuettes, les fameux « santons », personnages typiques de cette région française, tels que le boulanger, le berger, le tailleur, le marin ou la lavandière. Ou encore une crèche typique de Cracovie, faite de feuilles d’étain, très lumineuse et pleine de couleurs dont l’architecture, bien que fantastique et compliquée comme les châteaux de contes de fées, s’inspire des églises de l’ancienne capitale de la Pologne. Unique en son genre, le musée des crèches de l’oratoire Saint-Joseph est ouvert 365 jours par an, y compris le 25 décembre et le 1er janvier. Les visiteurs viennent de toutes les parties du monde, poussés par leur foi, le tourisme ou la simple curiosité. »

Updated on 29 Décembre 2024
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