Mon enfant n’a pas la foi, que faire ?
« Où la transmission a-t-elle failli ? Nous n’avons aucune réponse » confient Françoise et Thierry, parents de quatre enfants et grands-parents depuis 22 ans. « Nous avons choisi de ne pas nous culpabiliser et de les confier à Dieu dans la prière », assurent-ils également. « Ils ont transmis mais ça n’a pas imprimé », explique à sa manière le père Pascal T., prêtre originaire du nord de la France, en ministère à Paris. Françoise et Thierry disent avoir « élevé (leurs) quatre enfants dans la foi mais chacun a vécu sa propre histoire : camarades différents, écoles et aumôneries distinctes... » Sur leurs deux filles, une seule continue d’aller à l’église, l’autre s’étant éloignée à la suite d’un « divorce prématuré, subi et mal vécu ». Leurs filles « ont toutes deux élevé leurs propres enfants dans la foi mais (la) petite-fille de parents séparés s’est vite arrêtée après sa première communion ». Quant à leurs deux fils, ils sont « mariés ou pacsés avec des jeunes femmes asiatiques sans religion ». Françoise et Thierry se disent « peinés par l’éloignement de la foi » de leurs enfants mais ils ont respecté (ils étaient adultes) leur liberté ». Toute-
fois, ils reconnaissent et apprécient que « tous, enfants et petits-enfants, assistent encore avec (eux) à la messe de Noël et plusieurs (les) accompagnent à la Vigile Pascale. » Et d’ajouter : « Aucun ne manifeste de rejet violent, ils respectent et apprécient nos engagements et manifestent eux-mêmes dans leur vie professionnelle ou dans les opinions émises une proximité avec les valeurs évangéliques ». Leurs petits-enfants les plus âgés, entre 16 et 22 ans, ne les accompagnent que rarement à la messe dominicale lorsqu’ils sont en vacances avec eux, ce qui peine fortement Françoise et Thierry, tout en ajoutant : « Mais nous ne voulons pas qu’ils viennent uniquement pour nous faire plaisir. »
C’est en vivant qu’on transmet
La transmission démarre en témoignant de ce qui fait vivre et rend heureux. Oser parler de sa rencontre personnelle avec Dieu n’est pas évident, tout comme évoquer des doutes, mais cela fait partie de toute vie familiale. Le pape François demandait déjà, en 2015, à des parents : « Soyez missionnaires de vos enfants ». « Ils apprendront de votre bouche et de votre vie, poursuivait-il, que suivre le Seigneur donne de l’enthousiasme, l’envie de se dépenser pour les autres, donne toujours de l’espérance, même devant les difficultés et la souffrance, parce qu’on n’est jamais seul, mais toujours avec le Seigneur et avec ses frères. »
Pour accompagner les enfants vers Dieu, il est important de prier devant eux, avec eux, leur faire goûter la richesse d’une vie intérieure et d’aller à la messe ensemble. Pour Pascal, un père et grand-père, également diacre permanent, il estime que nous devons « être toujours présents à témoigner, lorsque l’on nous le demande, de la foi qui nous habite et pour cela nous pouvons faire confiance à Dieu qui nous aime. »
Offrir des exemples plus que des mots
Au-delà du témoignage du désir de Dieu et du service des frères, des échanges avec les enfants, la transmission de la foi passe aussi par une forme d’abandon. Il faut lâcher sur ce qui ne nous appartient pas, confier nos enfants à Dieu sans se mettre à la place de Dieu. Nous n’avons pas à avoir peur car la peur empêche de transmettre, de témoigner, de faire confiance, de lâcher prise. Pascal témoigne avoir « deux petits-enfants qui ne sont pas baptisés, mais je sais qu’ils sont aimés par Dieu et par leurs parents, ce qui est l’essentiel, et qu’ils auront peut-être un jour le désir de prendre le chemin de la foi catholique. » Il explique d’ailleurs cette situation par le fait que leur « belle-fille se dit athée et n’a reçu aucune éducation religieuse, mais elle n’a aucune animosité envers la religion catholique et accepte que ses enfants posent des questions sur notre religion, nous y répondons volontiers sans faire de prosélytisme mais en toute bienveillance ». « Mon épouse et moi vivons cette situation très sereinement », ose ajouter Pascal. Les parents sont uniquement des instruments de transmission, c’est l’Esprit Saint qui souffle où et quand il veut. Lire et raconter des histoires de la Bible aux enfants est précieux et elles construisent leurs personnalités, leurs imaginaires ; faire découvrir aux enfants la beauté de la Création et s’en émerveiller fait aussi partie de la transmission de la foi. C’est également à travers des hommes que Dieu se fait connaître aux hommes.
Pas automatique
« Il faut accepter que la transmission de la foi ne soit plus automatique », constate le père Pascal. Et de poursuivre : « Acceptons que ce soit différent ; on doit rendre compte de l’espérance ». Si la famille a longtemps été le berceau de la transmission de la foi, Internet et les réseaux auraient-ils aujourd’hui plus de légitimité que la famille ? Transmettre la foi reste un défi qui se confronte à une culture, un environnement. Pour le père Pascal, « aujourd’hui, les accès à la foi sont pluriels, il faut faire de la dentelle », car « la matrice commune ne suffit plus, il faut des témoignages, des relations personnelles ». Ce prêtre à Paris encourage à n’avoir « ni amertume ni découragement » et assure que la transmission ne doit être « ni agressive ni prosélyte ». Aujourd’hui, transmettre ne semble efficace que si celui qui transmet s’adresse à une personne prête à accueillir. C’est pour cela que les prêtres, aux yeux du père Pascal, doivent « veiller à avoir des homélies missionnaires et non hermétiquement closes pour laisser un espace où chacun peut se retrouver, sinon cela ne servira qu’à conforter les convaincus ».