Qu’est devenu Benoît XVI ?

17 Décembre 2013 | par

Près d’un an après la renonciation de Benoît XVI, nombreux sont encore les nostalgiques du pape allemand. Non pour l’opposer forcément à son successeur, dont le style est en rupture avec les huit années précédentes, mais par attachement au brillant et timide théologien. Si elle est loin des regards, la figure du pape émérite est pourtant encore bien présente.

 

Cela va bientôt faire un an que Benoît XVI a renoncé à sa charge pontificale, ouvrant la voie à un conclave qui élira au siège de Pierre l’archevêque de Buenos Aires Jorge Mario Bergoglio. Un an plus tard, les paroles du pontife allemand résonnent encore, tant elles ont provoqué la stupéfaction : « Je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien (…) C’est pourquoi, bien conscient de la gravité de cet acte, en pleine liberté, je déclare renoncer au ministère d’Évêque de Rome. » Puis Benoît XVI, devenu pape émérite, s’est effacé pour se consacrer à une vie de prière au monastère Mater Ecclesiae, niché dans les jardins du Vatican. Mais derrière les hauts-murs du plus petit État du monde, et malgré le choix de cette vie monacale, le pape émérite est plus présent que l’on ne le dit.

Au cours de l’année 2013 et des premiers mois de son pontificat, le pape François a installé son style, fait d’un ton percutant et direct, prenant souvent des images de la vie quotidienne pour expliquer sa pensée, et donnant au monde l’image d’un pape « curé de paroisse », une image aux antipodes de celle de son prédécesseur. Face à cette rupture de style, beaucoup d’observateurs se sont posé la question de savoir où était passé le théologien Ratzinger, dont les homélies étaient parfois des pièces d’orfèvrerie, au risque de ne pas être toujours comprises.

 

Des images inédites

Tout n’est pourtant pas question que de style entre deux hommes en blanc. Si les images servent à creuser les différences, elles montrent aussi des convergences. Ainsi, par deux fois au moins, les deux papes se sont rencontrés et ont affiché leur proximité, laissant aux médias des images inédites qui ont vite fait le tour du monde. Première image le 24 mars : le nouveau pape se rend à Castel Gandolfo où s’est retiré temporairement Benoît XVI. Après une chaleureuse accolade, les deux hommes prient côte-à côte dans la chapelle de la résidence pontificale. « Nous sommes frères » lance alors le pape François alors que son prédécesseur souhaite lui laisser la place d’honneur et rester en retrait. Revenant sur cette rencontre émouvante, le père Federico Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, évoquera « un moment de très haute et profonde communion ».

Deuxième image, quelques mois plus tard, le 5 juillet, dans les jardins du Vatican. Lors de l’inauguration d’une statue de saint Michel archange, le pape émérite et son successeur sont de nouveau côte à côte.

« Sainteté ». C’est ainsi  que le pape François débute son discours, s’adressant affectueusement au pape émérite, qui avait approuvé l’inauguration de la statue de l’archange, défenseur de la foi et protecteur de l’Église catholique. Une fois encore, la présence du pape allemand provoque joie et émotion chez les privilégiés qui ont pu assister à la cérémonie.

« Sachez que si je me retire aujourd’hui dans la prière, je serai toujours près de vous tous, et je suis certain que vous aussi le serez, même si pour le monde je reste caché ». Par ces paroles, Benoît XVI avait salué ainsi le clergé romain, trois jours après avoir annoncé sa renonciation. Lors de sa dernière audience générale, prononcée le 27 février, le pape, ému, avait expliqué qu’il « continuerait à accompagner le chemin de l’Église par la prière et la réflexion » et demandé qu’on se « souvienne de lui devant Dieu ». Le pape Ratzinger se retire aux yeux du monde mais reste une présence en filigrane.

 

Une grande continuité

Une présence bien réelle alors que le pontificat de François prend ses marques. Le 5 juillet n’est pas seulement la date de l’inauguration d’une statue, elle est surtout celle de la publication de Lumen Fidei, la première lettre encyclique signée du pape François, mais qui a été en grande partie écrite par son prédécesseur. Le pape actuel n’a d’ailleurs pas caché qu’il s’agissait d’une encyclique « à quatre mains », un document qui vient montrer la grande continuité entre les deux pontifes.

La présence de Benoît XVI reste en pointillé dans les prises de parole de son successeur. Que ce soit dans des hommages clairs comme lors de la remise du prix Ratzinger fin octobre : « Il a fait don à l’Église, et à tous les hommes, de ce qu’il avait de plus précieux : sa connaissance de Jésus »  ou dans la confirmation de décrets pontificaux comme à Assise où François confirme l’autorité de l’évêque local sur les basiliques franciscaines, décision prise par un Motu Proprio du pape allemand en 2005.

Dans sa retraite, Benoît XVI lit, prie, écoute de la musique et répond aussi à un abondant courrier. S’il vit désormais à l’abri des regards, il n’est pas isolé pour autant, recevant des visiteurs et n’hésitant pas à célébrer la messe avec ses anciens élèves en théologie qu’il avait l’habitude de rencontrer chaque été à Castel Gandolfo. Après huit ans de pontificat, le legs du pape théologien est immense. S’il n’était pas politique, sa ténacité à engager des réformes pour dépasser les scandales aura payé, que ce soit par exemple pour lutter contre les abus sexuels dans l’Église ou pour prôner la transparence financière au Vatican. Et malgré les embûches qui ont eu raison de ses forces, ses paroles et intuitions trouvent aujourd’hui, plus qu’on ne l’imagine, un prolongement avec le pape François. 

 

« Quand, le 19 avril il y a presque 8 ans, j’ai accepté d’assumer le ministère pétrinien, j’ai eu la ferme certitude qui m’a toujours accompagné : cette certitude de la vie de l’Église par la Parole de Dieu. En ce moment, comme je l’ai déjà exprimé plusieurs fois, les paroles qui ont résonné dans mon cœur ont été : Seigneur, pourquoi me demandes-tu cela et que me demandes-tu ? C’est un poids grand celui que tu me poses sur les épaules, mais si tu me le demandes, sur ta parole, je jetterai les filets, sûr que tu me guideras, aussi avec toutes mes faiblesses.

Et huit années après, je peux dire que le Seigneur m’a vraiment guidé, m’a été proche, j’ai pu percevoir quotidiennement Sa présence. »

 

Benoît XVI lors de sa dernière audience générale, le 27 février 2013.

Updated on 06 Octobre 2016