Rencontre avec... Flaminia Giovanelli

20 Mai 2015 | par

Née en 1948, Flaminia Giovanelli est entrée au Conseil pontifical Justice et Paix en 1974 où elle s’est spécialisée dans les questions de développement, de pauvreté et de travail. Elle a été nommée en 2010 sous-secrétaire de ce dicastère par Benoît XVI. Une première pour une femme.

 

Le pavillon du Saint-Siège à l’exposition universelle a pour titre deux citations bibliques – « Pas seulement de pain » et « Donne-nous aujourd’hui notre pain » – quelle signification ont ces deux citations pour notre monde contemporain ?

Je crois que ces deux citations montrent bien ce que l’Église peut apporter au monde d’aujourd’hui dans sa vision chrétienne de la personne humaine. L’homme est un tout, matériel mais aussi spirituel. Les chrétiens ont eux-mêmes parfois des difficultés à envisager l’homme dans sa totalité. Si l’on met de côté la nature transcendante de la personne humaine, on ne comprend plus rien, on perd un point de repère essentiel dans notre vie de tous les jours.

 

Ce lien entre matériel et spirituel n’est pas suffisamment mis en valeur aujourd’hui ?

Absolument pas. Cette aspiration à la transcendance de la personne est même écartée et mise de côté. Et l’Église est là pour le rappeler. Ceci est valable dans le champ politique et social, où l’on n’a plus aujourd’hui la capacité de discernement. Une loi qui ne respecte pas la personne humaine dans ses dimensions physique mais aussi spirituelle et d’un point de vue relationnel, n’est pas une bonne loi.

 

Le thème général de l’Expo de Milan est « Nourrir la planète, énergie pour la vie » : en quoi l’Église aujourd’hui porte-t-elle un message original sur cette question essentielle ?

J’aime beaucoup ce titre. Le terme « planète » renvoie à la fois à la Création, mais évoque aussi la famille humaine. Il n’y a pas seulement l’idée de protéger la Création mais aussi de la nourrir en travaillant. Comme disait saint Jean-Paul II, l’homme du travail est collaborateur de Dieu. « Nourrir » est un terme qui inspire beaucoup le chrétien, et ce lien avec l’énergie pour la vie est essentiel, il a été rappelé successivement par les derniers papes, dans leurs encycliques ou dans les messages pour la Journée mondiale de l’alimentation. Ce droit à l’alimentation est un droit fondamental tout comme l’est le droit à la vie que l’Église ne cesse de défendre. Je note que la voix de l’Église est de plus en plus attendue sur cette question. À l’approche de la publication de l’encyclique du Pape sur l’écologie, nous ressentons une grande attention à travers les questions qui nous sont posées. Pour vous donner un exemple, j’ai participé récemment à une conférence sur le changement climatique organisée à la chambre des députés italiens. Les arguments de l’Église aujourd’hui sont écoutés. C’est à nous de rappeler le lien étroit entre écologie environnementale et écologie humaine. L’homme qui détruit la nature est un peu moins homme !

Cette exposition universelle est-elle, pour le grand public, l’occasion de (re)découvrir la dimension pastorale de l’Église, largement mise en avant par le Pape ?

C’est sans doute une occasion. Cela remet au centre une expression que l’on évoquait beaucoup après le concile Vatican II : la « promotion humaine ». Dans cette perspective, l’Église a beaucoup à apporter. On connaît l’engagement de nombreuses congrégations dans les pays pauvres ou de tant d’associations chrétiennes qui œuvrent sur le terrain. Au cours de l’histoire, l’Église a progressivement développé cette dimension pastorale concrète. On se souvient par exemple de la création du fonds Popolorum Progressio juste après le voyage de Paul VI en Amérique latine, afin de venir en aide aux paysans, ou encore la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel, qui lutte contre la sécheresse en faisant construire des puits. Au Conseil pontifical Justice et Paix, nous avons récemment publié trois ouvrages sur ces questions. Le premier concerne l’eau, élément essentiel à la vie, le deuxième volume est consacré à l’énergie plus largement, comme élément de justice et de paix, enfin le dernier concerne la terre et l’alimentation. Ces ouvrages donnent des informations et développent les questions éthiques dans ces domaines, ils se veulent des instruments utiles.

 

Dans son message pour la journée mondiale de l’alimentation en 2013, le pape François dénonçait le « scandale que la faim et la malnutrition » dans le monde et appelait à affronter ensemble un défi pas seulement économique mais éthique et anthropologique. En quoi ce défi est-il anthropologique et quelles sont les pistes que l’Église avance pour y répondre ?

Le monde de l’alimentation est celui des paradoxes ! On sait très bien qu’il y a assez sur terre pour nourrir tout le monde mais la distribution pose problème. La question n’est pas nouvelle . Quand l’homme entre en jeu, il doit être capable de développer un système de juste redistribution. On sait aussi que les 800 millions de personnes qui ont faim sur la planète se trouvent dans les régions rurales. Pourtant, chacun dans nos villes arrive à cultiver un petit lopin de terre, à New York on cultive les tomates sur des terrasses… c’est un scandale. D’un point de vue anthropologique, j’ai été beaucoup frappée par le témoignage d’une personne qui vient en aide aux migrants qui arrivent en Sicile. « Ce sont des hommes comme moi », disaient-ils, « qui ont faim et qui ont droit d’être heureux comme moi. » Dans ce contexte plein de contradictions, l’Église a cette grande tâche d’éduquer les personnes à la solidarité, d’aider à surmonter les différences. Les deux derniers messages du pape François pour la Journée mondiale de la paix le montrent bien en insistant sur le fait que nous sommes tous frères et sœurs car nous avons le même créateur, père de tous. L’Église est là aussi pour rappeler la responsabilité des institutions et des gouvernements dont le premier devoir est de construire les infrastructures adéquates. C’est vraiment un appel à la conscience individuelle et personnelle auquel il faut répondre. L’Église le fait à travers l’éducation, ses congrégations et ses œuvres missionnaires, qu’il ne faut cesser de soutenir. Tout cela est porté par le Compendium de la doctrine sociale de l’Église qui fournit des instruments très utiles pour répondre à ces questions. Il faut préciser qu’au fil des années, la réflexion de l’Église s’est affinée en prenant en considération des problématiques très concrètes et récemment apparues comme la question de l’accaparement des terres ou les conditions de vie des pécheurs. On le voit, il s’agit autant du respect de la Création que celui des hommes qui travaillent. Je voudrais aussi rappeler une dernière chose qui me frappe, à savoir le « bon appétit ! », que lance le pape François à la fin de chaque Angélus. Cette expression évoque beaucoup de choses, à commencer par le dimanche en famille, mais souligne aussi le droit que chacun a de manger à sa faim, d’avoir du pain sur la table. 

 

QUESTIONNAIRE DE SAINT ANTOINE

Connaissez-vous saint Antoine et si oui, quelle image avez-vous de lui ?

C’est un saint vraiment très populaire. Je connais cette prière en latin, le Si quaeris, qui a été composée en son honneur. Je dois dire aussi que ma maman était abonnée au Messager de Saint Antoine et, quinze ans après sa mort, je suis restée abonnée, en son nom.

Comment priez-vous ?

Je prie surtout le matin, en prenant du temps pour réciter la prière des laudes. Je prie en demandant au Seigneur qu’Il me fasse comprendre ce qu’il faut faire pour accomplir Sa volonté.

Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?

C’est très souvent quand je pense à mes parents ; où cette réalité de la communion des saints me paraît très vivante. Cela me frappe. J’en ai une perception presque physique.

Un événement qui vous a rendu particulièrement heureuse ces derniers mois ?

C’est un coup de téléphone imprévu qu’une personne que je connais a reçu du pape François. J’étais très contente !

 

 

Updated on 06 Octobre 2016