Rencontre avec... Pére Arthur Hervet

27 Septembre 2013 | par

Les nouveaux migrants ne trouvent pas tous du travail, loin s’en faut… coup de projecteur sur une population en grande difficulté en Europe : les Roms. Engagée auprès d’eux a Lille, le père Arthur Hervet les connait bien. Né en 1938 dans le Finistère, ce religieux assomptionniste s’est d’ailleurs toujours consacre aux blesses de la vie : aumônier de prison puis des prostituées, il s’est ensuite occupe des bateliers sur les quais de seine. le « père Arthur » est aujourd’hui auprès des Roms.

 

Comment expliquez-vous cette défiance vis-à-vis de la population rom ?

Je crois que la société va mal donc on essaie de trouver des coupables, des bouc-émissaires. Cela me rappelle un peu le moment où l’on a trouvé qu’il fallait que Jésus meure pour qu’il sauve son peuple. Là, les Roms sont vraiment les coupables idéaux, on dirait que c’est à cause d’eux que tout va mal. Ces gens n’ont pourtant rien ! L’autre jour, des policiers sont venus détruire leur petite baraque. Je leur ai demandé pourquoi ils faisaient cela, ils m’ont simplement répondu qu’ils avaient des ordres, sans autre explication. Moi je suis un peu un Don Quichotte, je n’ai ni argent ni puissance, je n’ai simplement que ma foi, et ces Roms sont tous des croyants. Face à tous les problèmes que connaît la société, on ne peut pas dire que c’est de la faute des musulmans, car cela provoquerait un tollé général. Les Roms en revanche, on peut les pourchasser, car ils ne répondront pas !

 

Selon vous les Roms sont une cible facile ?

Depuis des siècles ces gens courbent l’échine. Les Roms sont venus de l’Inde puis ont migré vers l’Europe centrale où ils vivaient comme des esclaves. Aujourd’hui, ces gens sont devenus les parias de notre société. La chose curieuse est qu’ils nous font peur, et à cela je vois deux raisons : la première est qu’ils nous renvoient une image de ce que nous pouvons devenir d’ici peu, car la pauvreté devrait empirer dans notre société. La seconde raison, plus profonde, est qu’ils vivent de peu de choses et qu’ils sont heureux. Et leur joie est comme une insulte à la suffisance qui est la nôtre. Si vous aviez leur joie ! Le décalage est parfois incroyable : nous avons besoin de gueuletons extraordinaires tandis qu’eux demandent simplement un sourire. Quand je me rends sur les campements de Roms, il n’y a souvent qu’une chaise, et ce n’est pas moi qui m’assois mais eux qui m’assoient ! L’autre soir, j’étais en présence d’un membre de la Ligue des droits de l’Homme, qui n’est pas chrétien. Avec les Roms, nous avons prié, chacun dans notre langue. À la fin, ce militant m’a regardé en me disant : « Ils n’ont plus que Dieu ».

 

Face à ce sentiment d’abandon, quelle parole l’Église peut-elle apporter ?

L’Église prêche par le concret, le vécu. Je vous donne un exemple récent, celui de l’expulsion de plusieurs familles. Ils ont été chassés par la police sans savoir quelle direction prendre. Lors de l’évacuation, il y avait une trentaine de cars de policiers pour seulement 150 Roms environ, dont beaucoup d’enfants ! Les forces de l’ordre m’ont demandé pourquoi j’étais là avec eux, et je leur ai répondu simplement que c’était mon peuple. Ces familles ont fini par fuir vers Valenciennes. J’ai alors appelé le vicaire épiscopal, et quelques coups de fil plus tard, avec l’aide du Secours Catholique local, nous avons pu leur trouver un hébergement. Actuellement, 4 familles sont dans deux presbytères, c’est extraordinaire ! Ainsi, même si notre Église est pauvre, elle a su trouver les mots. L’archevêque de Lille, Mgr Ullrich, est même venu prier au milieu de ces gens, en habit et portant la mitre. Cette Église a le souci des pauvres, et je sais que le pape François a ce souci-là, mais il faut parfois qu’elle se réveille un peu, qu’elle se manifeste davantage. Il faut que cette Église se redresse et n’ai pas peur de dire que le pauvre est menacé aujourd’hui, que cela ne peut pas continuer. Être disciple de Jésus, cela veut dire être disciple des plus pauvres, de ceux qui n’ont comme issue que de se cacher dans les buissons d’épines, ces épines qui rappellent la couronne du Christ.

 

Comment expliquez-vous que les pouvoirs publics semblent dépassés à ce point par ce problème ?

Les politiques ont toujours des élections derrière eux, l’Église n’a comme certitude que la foi. Moi, je ne sais rien faire ! Je conduis la camionnette, je vais chercher ce que je peux pour ces gens, quelques sous ça et là. Quand j’interviens auprès d’eux c’est avec la croix sur le cœur et l’Évangile dans la main, ce n’est pas au nom de je ne sais quelle capacité intellectuelle ou autre.

 

Comment faire de cette compassion quelque chose de contagieux, qui dépasse l’Église ?

Ce que j’essaie de faire, c’est de présenter dans les médias un visage de prêtre « vieux et foutu » et dire que ces gens-là, je les aime ! Dire que quand j’ai dans les bras ces petits enfants ce sont des petits Jésus. Les gens voient bien que je n’ai pas une tête de révolutionnaire, mais que je suis juste un pauvre prêtre aux cheveux blancs, qui boite comme il peut et traîne des bouteilles de gaz pour chauffer les campements. Mais je ne veux pas jeter l’opprobre sur les gens qui ne connaissent pas. On vit dans une société qui nous présente toujours l’homme parfait, qui réussit, qui jouit de la vie, mais c’est tout à fait l’inverse de ce que sont les Roms. Leur richesse est la même que nous autrefois : nos enfants, le travail. Tous les matins, ils se lèvent et prennent leur vélo qui tire une petite carriole pour aller récupérer de la ferraille et gagner trois ou quatre euros par jour. Aujourd’hui, je vais donc au-devant des médias et j’essaie, non pas de jouer la comédie, mais de séduire les gens pour que l’on parle de ces plus pauvres. L’Abbé Pierre, sur la tombe duquel je vais prier tous les mois, savait si bien le faire. Je veux dire aux gens, avec le sourire : « Croyez-moi, venez avec moi pour regarder ces Roms et vous changerez d’avis ». Parce que l’on ne connaît pas, on a peur, c’est aussi simple que cela ! n

 

Questionnaire de saint Antoine

Connaissez-vous saint Antoine, et si oui, quelle image avez-vous de ce saint ?


Pour moi saint Antoine est le saint qui avait un enfant dans les bras, l’Enfant Jésus. Il savait parler aux foules, mais il parlait avec son cœur, son cœur d’enfant.

Comment priez-vous ?

Je prie en dormant ! C’est aussi souvent dans le silence, le matin vers six heures et demi. Et dans la journée, je parle à Dieu, avec des phrases simples « Seigneur Jésus prends pitié de moi pécheur, je ne sais pas ce que je vais faire, aie pitié de moi ! » Il y a aussi la prière des psaumes, bien sûr.

Quand vous sentez-vous le plus proche de Dieu ?

C’est lors de la messe, sans aucun doute. Je dis souvent aux jeunes qui veulent être prêtre aujourd’hui de surtout rester fidèle à l’Eucharistie.

Quel est l’événement qui vous a rendu le plus heureux cette année ?

Plusieurs baptêmes d’enfants roms. Je ne sais pas comment je fais, je mets un peu d’eau, je trouve un peu d’huile, puis on dit « Alléluia ! » et tout le monde est heureux. On trouve une bougie et on chante.

 


Updated on 06 Octobre 2016