Réparer l’Église qui tombe en ruine

Tel est l’appel que les Franciscains sentent spécialement aujourd’hui. Le frère Jean-François Auclair, custode provincial des frères conventuels de France/Belgique depuis 4 ans nous confie la joie de vivre et de prier qu’il a trouvée chez les Franciscains
13 Février 2022 | par

Rentré en 2003 après avoir été séminariste diocésain, il a en charge les 20 frères répartis entre Narbonne, Tarbes, Lourdes, Cholet et Bruxelles. Il nous parle aussi du profil des novices d’aujourd’hui.

Quelles étapes marquent votre formation franciscaine ?
Il y a tout d’abord le postulat qui dure 2 ans, c’est un temps où les jeunes regardent la communauté et pendant lequel la communauté regarde aussi les jeunes. Ils s’apprivoisent. Cette année, ils sont 5 à Bruxelles. Puis, il y a la demande explicite au noviciat qui est le moment où l’on reçoit la marque de famille en prenant l’habit. À la fin du noviciat, qui dure 1 an, on prononce les premiers vœux temporaires. On peut aller jusqu’à 9 ans de vœux temporaires avant les vœux solennels. Cette année, ils sont 3 au noviciat, qui est à Assise. Puis il y a le temps des études de théologie à Padoue, c’est le temps du discernement qui continue.

Quelles nouvelles difficultés rencontrez-vous chez les jeunes novices ?
Une des difficultés est le peu de connaissances sur la foi. Nous devons reprendre une base catéchétique pour adulte. Une autre difficulté est la plus grande fragilité émotionnelle. Cela peut s’expliquer par la stimulation plus importante liée au numérique mais aussi par le fait de vouloir être partout, vouloir tout mais à la fois ne pas pouvoir. Cela entraîne une sorte de dispersion. Mais nous accueillons les jeunes tels qu’ils sont.

À quoi faites-vous spécialement attention pour la formation des novices ?
Leur apprendre à avoir un détachement par rapport à l’écran. De manière très concrète, nous mettons tous nos ordinateurs en commun. Il est important de travailler ensemble dans la même pièce pour ne pas se renfermer dans son monde. Ce détachement est à faire pour garder la disponibilité au frère qui est à côté, aux gens qui sont à côté. Nous avons des moments formatifs pour apprendre à vivre ensemble, pour accueillir l’autre, savoir exprimer ses émotions, gérer les moments d’incompréhension, de crise, etc.

Avec le rapport de la CIASE sorti en octobre, que faudrait-il intégrer dans la formation des frères ?
Il faut retravailler et prendre le temps d’échanger sur notre manière de vivre la vie affective. On en parle au noviciat puis après c’est un peu mis de côté. À 50 ou 80 ans, on vit la vie fraternelle et relationnelle de manière différente. La vie affective est un lieu de formation continue. Pour avoir des frères heureux, il faut avoir les moyens de traverser les crises !

Comment vivez-vous le dénuement et la simplicité ?
Nous avons le même vœu de pauvreté que les autres religieux. Pour nous, Franciscains, je vois l’appel à savoir manquer de quelque chose. La vie communautaire nous donne certaines garanties et sécurités : on doit donc apprendre à renoncer à quelque chose, choisir le détachement par rapport à certains biens, savoir se contenter de ce qui est donné et renoncer à la commodité. La richesse de la vie franciscaine est d’être en capacité de partager avec l’autre. Nous devons être attentifs à ceux qui ont le plus besoin de nous. Concrètement, nous recevons des dons, nous pourrions nous arrêter là en nous disant que cela nous a été donné, mais justement notre vie franciscaine nous oblige à voir que certains ont plus besoin que nous et alors nous redonnons ! Nous voulons suivre le Christ pauvre. Nous nous laissons provoquer par le monde en permanence dans cette pauvreté que l’on désire. Il faut sans cesse se laisser déranger dans notre tranquillité et cela peut parfois être dur.

En quoi saint François vous encourage et vous guide dans votre vie ?
Sa vie vient nous donner des exemples pour vivre notre charisme. Il est important de se rappeler ce qui a pu animer son cœur en voyant le lépreux, ce qui a pu animer sa vie dans les croisades. En revêtant l’habit franciscain, j’ai choisi de me mettre dans une disposition fraternelle vis-à-vis de l’autre. On étudie l’héritage spirituel de saint François tout au long de notre formation. Saint François a écrit le Cantique des créatures alors qu’il était aveugle, malade, à la fin de sa vie. Savoir cela nous permet de garder la louange dans le cœur malgré les difficultés que nous pouvons traverser. Un point particulier dans le cheminement de François est le fait qu’il ne désirait pas que les frères aient du pouvoir sur les autres. C’est pour ça que François est sorti du système féodal où il y avait des propriétés, car François veut vivre avec les gens. Il se fait pauvre pour être avec les pauvres. Nous cherchons sans cesse à faire ce chemin intérieur, à se mettre à la hauteur des gens pour ne pas les dominer. François ne voulait pas que les frères étudient, par exemple, car c’était une manière d’être supérieur aux autres.

Certains novices ont-ils reçu leur appel comme saint François devant le crucifix de saint Damien ?
Je ne suis pas certain, mais en tout cas c’est un crucifix qui nous interpelle et a une spécificité : il a les yeux ouverts. C’est donc déjà une annonce de la Résurrection ! Il est vivant, sinon il aurait les yeux fermés. Contempler ce Christ chaque jour nous ramène dans cette espérance et dans cette vie du Ressuscité.

En termes de vocations, y a-t-il eu un effet « Pape François » ?
Le fait que le magistère du Pape soit très franciscain nous a mis sur le devant de la scène. Cela nous a poussés à prendre certains sujets à bras le corps, notamment Laudato si’. Il y a une exigence plus grande avec son magistère. Cette année, on a eu une hausse des vocations. On a eu 4 novices l’an dernier, c’est du jamais vu ! Normalement on avait plutôt un novice tous les 4 ans.

Faire goûter Dieu à ceux qui le cherchent fait-il partie de vos défis ?
Ce qui m’habite est que chacun devienne ce qu’il est appelé à devenir et découvre son appel intérieur. Nous n’avons pas un apostolat en particulier, nous ne rentrons pas dans un moule. Chacun a sa place et peut apporter quelque chose.
Notre charisme est de vivre l’Évangile. François avait la grâce d’entendre l’Évangile, de l’accueillir dans sa totalité et de le mettre en pratique de suite : nous avons cette même grâce à demander.

Quelles craintes ou aspirations voyez-vous chez les novices ?
Leur aspiration est clairement de tout donner. Ils ont aussi l’enthousiasme à convertir le monde. Mais ils ne sont pas le sauveur du monde. Une de leurs craintes est peut-être de réussir à vivre cela toute leur vie.

Qu’essayez-vous d’apporter aux hommes par votre présence ?
Le simple fait que, tels qu’ils sont, ils sont aimés de Dieu. Ils sont dignes d’être aimés et d’aimer les autres. Par exemple avec les jeunes, leur redonner confiance, faire grandir des talents, les aider à trouver leur voie et la joie que l’on a à se donner.

Updated on 13 Février 2022
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