Un jeune prêtre doit être accompagné

Le mois de juin est celui des ordinations sacerdotales un peu partout. Alors que l’Église vit un tournant et semble manquer de prêtres, Le Messager de Saint Antoine a choisi de rencontrer un tout jeune prêtre, le père Pierre Tien Nguyen.
20 Juin 2022 | par

Qu’est-ce qui vous a mené vers la prêtrise ?
C’est ma grande sœur handicapée (décédée à 33 ans dans la nuit de Noël en 2002) qui m’a mené vers la prêtrise. Quand j’étais petit et que je jouais à côté d’elle, elle m’a dit un jour : « Tien, veux-tu devenir prêtre ? ». J’entends mais je laisse de côté sa question car j’étais trop petit. À l’université, cette question revient en moi et me fait réfléchir. Dieu a utilisé ce moyen pour m’amener vers la prêtrise.

Un prêtre est « configuré au Christ » : que cela signifie-t-il ?
Pour moi, cela signifie que les gens peuvent apercevoir le Christ à travers notre présence, un Christ doux, humble et proche.

La vie de prêtre est parfois vue comme un métier : pour vous, à quoi ressemble-t-elle ?
Je ne suis pas contre ce mot-là mais je n’aime pas cette vision. Un métier signifie un domaine unique tandis qu’un prêtre sera parfois envoyé dans un endroit non prévu, où il n’est pas forcément formé pour cette mission. La vie de prêtre ressemble pour moi à un serviteur et non à un ouvrier. Et puis, cela est lié au salaire : dans un métier, tu travailles, tu gagnes. Pour la prêtrise, ce n’est pas du donnant-donnant.

Les trois charges du prêtre s’équilibrent-elles ou y en a-t-il une qui domine ?
Annoncer la Parole de Dieu sert le Salut des âmes, célébrer les sacrements fait passer la grâce divine, et la conduite de la vie de charité dans l’Église est le fruit de la foi en annonçant la présence de Dieu. Ces trois charges sont un pur service.

Quelles missions vous a-t-on confiées ?
Actuellement, je suis vicaire dans ma paroisse. Avec mon curé, nous partageons tous les services, nous faisons un travail commun. Je vois la vie d’un prêtre comme un partage. Je suis là pour aider mon curé, je n’ai pas de projets à moi, j’ai les projets de mon curé. Lorsque j’étais à Paris, j’allais voir les malades et je passais beaucoup de temps au confessionnal : j’aime beaucoup et j’en ai besoin. À travers moi, Dieu peut toucher les cœurs. Mais c’est normal pour un prêtre de confesser, c’est sa mission. Ici, au Vietnam, je me lève à 4h et je commence ma journée en confessant avant la messe de 5h du matin. Les paroissiens viennent prier avant la messe et arrivent à partir de 4h30.

Quel service vous tient le plus à cœur ?
Le service imprévu ! J’essaie de donner un coup de main quand l’autre en a besoin. Ce n’est pas toujours facile, mais je suis content de me lever en pleine nuit pour donner l’onction des malades à des personnes qui me le demandent.

La formation d’un prêtre apprend-elle à donner le meilleur de soi-même ?
La formation d’un prêtre nous apprend à nous connaître et à rendre service. On n’arrive jamais à donner le meilleur alors ce mot-là me fait un peu peur. On va vers les autres avec tout ce qu’on est, avec nos limites plutôt que nos succès. Avoir une attitude juste suffit. Au séminaire, la formation touche quatre domaines indispensables : le spirituel, l’intellectuel, le pastoral et le liturgique. Tout cela permet d’avancer mais ça ne donne pas tout ! Cela donne au séminariste un fil rouge à suivre. Un séminariste apprend à se comprendre pour comprendre ensuite les autres. Le but de la formation est d’avoir un prêtre humble. Le Séminaire est un peu comme une recette, tout le monde reçoit la même mais chacun l’adapte. Au séminaire, nous allions le week-end dans une paroisse mais chaque paroisse a une spécificité, et si on peut bien vivre dans l’une, on peut mal vivre dans une autre. Un séminariste regarde la paroisse mais quand un tout jeune prêtre arrive dans une paroisse, il endosse un autre rôle et doit par exemple discerner quelles questions il peut poser à qui. On ne peut pas voir tout cela en étant au séminaire ! La pastorale que l’on étudie est davantage théorique !

En tant que jeune prêtre, êtes-vous accompagné ?
Oui, bien sûr, je suis accompagné. Un jeune prêtre doit l’être ! L’accompagnateur est là et nous laisse libres. Quand on est jeune, on a l’énergie mais pas l’expérience. Il faut du temps pour être mûr. Je fais confiance en mon accompagnateur qui est délicat, m’aide à avancer et me corrige.
Quels furent les moments les plus douloureux et les plus précieux de votre vie de prêtre ?
Le plus douloureux est l’indifférence : parfois on pense trop à soi et cela nous fait oublier les autres. Les moments les plus précieux sont ceux où je sens l’amour de Dieu malgré mes faiblesses. Devant l’autel, au début de la messe, je suis si souvent émerveillé et je dis au Seigneur : « C’est moi, je suis ton prêtre ». Cette joie est dure à exprimer car c’est une joie profonde que je ressens.

La religion donne des repères et une morale à beaucoup de personnes : comment les amener à approfondir leur foi chrétienne et à rencontrer Jésus ?
Comme disait saint Jean-Paul II, notre monde a besoin de témoins et non de maîtres. Il faut donc présenter notre joie, notre paix et notre confiance à Dieu. Il faut être présent avec les gens dans les épreuves et écouter l’Esprit Saint, le seul guide. Cela peut les mener à Jésus.

Comment abordez-vous aujourd’hui le tournant que vit l’Église, avec la diminution du nombre de prêtres ?
Sans tournants, l’Église risque de succomber douloureusement. Ce tournant-
là est un signe nécessaire pour que l’on se convertisse.

Êtes-vous inquiet face à cette diminution ?
Je ne suis pas inquiet. Qui est le chef de l’Église ? Nous ou le Christ ? Faisons-nous confiance au Christ ? Ce n’est pas nous qui prenons la responsabilité de l’existence de l’Église. Ce qui m’inquiète davantage c’est la collaboration des prêtres qui n’est pas toujours totale. Par exemple, devant une demande de l’évêque, on dit facilement « oui » mais après on ne le fait pas forcément ou bien on ne donne que la moitié. On peut être prêtre avec le nom mais sans la qualité, c’est cela qui m’inquiète.

Être prêtre au Vietnam et en France, est-ce différent ?
Oui, il y a des différences. Au Vietnam, un prêtre n’a pas de salaire. Il vit uniquement des dons des chrétiens. Les chrétiens sont très généreux et veillent sur nous. Ici, quand les prêtres sont malades, ce sont les chrétiens qui s’occupent d’eux et quand un prêtre perd son père, c’est l’évêque qui vient présider la messe.

Qu’aimez-vous dire aux futurs prêtres ?
Si je peux leur dire quelque chose, c’est « Avancez » ! C’est le Christ qui donne la force pour accomplir cette charge. J’aime leur dire : « Avancez avec votre histoire ». Jésus nous dit : « Lève-toi, prends ton brancard et marche ». Il ne dit pas de jeter le brancard mais de le prendre !

Updated on 20 Juin 2022
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