Le sport, un formidable moyen d’évangélisation

À 36 ans, le père Silouane Deletraz, curé de paroisse en Eure-et-Loir, est aussi un sportif accompli, avec une prédilection toute particulière pour le cyclisme, ce dont il témoigne chaque année lors d’un championnat réservé au clergé.
26 Juillet 2020 | par

Comment associez-vous votre ministère de prêtre et votre pratique sportive ?
Depuis septembre dernier, je suis curé de la paroisse Bienheureuse-Marie-Poussepin à Auneau (Eure-et-Loir). C’est une paroisse de 15 000 habitants et 28 clochers, aux portes de la région parisienne. Comme le territoire paroissial fait environ 25 kilomètres sur 25, je fais beaucoup de déplacements en vélo entre les différents villages. De manière générale, je fais du vélo entre deux et six fois par semaine ainsi qu’une séance de course à pied par semaine. Je pratique notamment beaucoup le VTT.

Quelles sont selon vous les valeurs du sport qui peuvent être mises au service de la foi ?
Le sport me permet d’habiter mon corps, de mieux me connaître pour progresser. Les sports d’endurance, comme le VTT, sont des activités un peu ingrates : il faut des heures et des heures d’entraînement pour progresser. Les performances d’endurance appellent à puiser au-dedans de soi. De plus, pour se dépasser dans le sport — surtout dans les sports d’endurance — cela demande une certaine part de souffrances. Il n’est pas possible de faire du sport sans accepter de souffrir un peu, non pas par dolorisme, mais comme un passage. Cela demande de la rigueur, de la discipline et de se concentrer sur l’essentiel, ce qui n’est pas sans rappeler l’ascèse chrétienne.
Tant pour la prière que pour le sport — et d’ailleurs pour la musique également — c’est la répétition dans le temps d’un même geste qui permet de progresser. Pour apprendre à prier, la seule méthode est de prendre du temps et de persévérer. Pour le sport, c’est pareil — même s’il y a aussi une dimension technique. La vie chrétienne est une course d’endurance, faite de petits pas jour après jour, de petites progressions. Comme chaque entraînement permet de progresser, chaque pas dans la foi permet de grandir dans la connaissance de Dieu. Saint Paul dressait d’ailleurs le parallèle : « J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi », écrivait-il dans sa Deuxième lettre à Timothée (2 Tm 4, 7).
Par ailleurs, le sport a une dimension collective et de partage. Cela est vrai même pour un sport plutôt solitaire comme le vélo. Ma pratique est influencée par ce que font les autres. Le Tour de France permet aussi de constater que sans une équipe, un cycliste ne peut pas grand-chose ! Quel que soit le sport, nous apprenons beaucoup des autres. Le sport est un lieu privilégié de la transmission. En cela aussi, le sport est riche en outils qui peuvent être mis au service de la foi.

Vous arrive-t-il de prier lorsque vous faites du sport ?
Le vélo a cette particularité de me mettre au contact de la nature. Sur mon VTT, je rends grâce pour la beauté de la Création. Il m’arrive aussi souvent de réciter le chapelet. J’en profite aussi régulièrement pour réfléchir, je prépare mes homélies sur mon vélo.
Le vélo est également pour moi un moyen de prendre du recul, notamment face aux situations ou aux conflits un peu compliqués. Je fais toujours très attention à ne pas m’emporter, à ne pas me mettre en colère, et le sport est un bon moyen pour garder mon calme ! Souvent, les personnes qui se mettent en colère n’ont pas d’exutoire.

Considérez-vous le sport comme un bon outil d’évangélisation ?
Tous les ans, j’organise — comme cela se fait dans de nombreux diocèses — un « pélé VTT » entre le sanctuaire de la chapelle Montligeon et la cathédrale de Chartres. Une quarantaine de jeunes y participent habituellement. Un certain nombre d’entre eux vient d’abord pour l’aspect sportif et découverte et le vélo permet donc de toucher plus largement, au-delà des cercles habituels. Le vélo est un outil assez universel et cela me permet de rencontrer beaucoup de personnes que je n’aurais pas connues sans cela. Pour le moment, le « pélé VTT » de cet été est maintenu, probablement avec quelques arrangements pour ne pas sortir des limites du département selon les restrictions qui risquent d’être en vigueur cet été.
De manière générale, le sport est un formidable moyen d’évangélisation car il touche beaucoup de personnes, jeunes ou moins jeunes. Avec le développement ces dernières années des notions d’équilibre personnel et de bien-être, c’est un vecteur incroyable d’évangélisation ! Il y a clairement une expansion de la pratique sportive aujourd’hui et le canal du sport est donc un moyen — parmi d’autres certes, mais un bon moyen — pour rejoindre les gens là où ils sont.

Parmi vos « exploits » sportifs, il y a le Championnat de France cycliste du clergé dont vous avez remporté l’épreuve de contre-la-montre à pas moins de quatre reprises. Quelle importance donnez-vous à ce rendez-vous annuel ?
Tout d’abord, ce championnat a une dimension fraternelle : c’est l’occasion de se retrouver entre frères prêtres et cela me semble important. Mais c’est aussi un défi sportif ! Il y a de l’émulation entre nous et chaque année le niveau de la compétition augmente. C’est un bel objectif. Comme la course se tient normalement le 1er mai [cette année la course a été annulée en raison du confinement, NDLR], nous sommes tous assez en forme car, en hiver, nous pouvons nous entraîner plus qu’en été.
En 2015, j’ai organisé la compétition dans la région du Perche dans la paroisse de Nogent-le-Rotrou où j’étais vicaire car j’avais une équipe formidable pour m’aider, notamment des différents clubs vélos. Je savais que c’était le plus beau terrain de jeu que je pouvais avoir !

Autre défi sportif, celui de l’émission Ninja Warrior sur TF1 pour lequel vous avez été contacté par la production…
J’ai été contacté à plusieurs reprises pour participer à Ninja Warrior mais j’ai refusé pour différentes raisons. D’abord, je pense qu’il est important que l’on voit les prêtres ensemble : l’intérêt du Championnat de France cycliste du clergé est qu’il concerne des prêtres et non pas un prêtre. La deuxième raison est que le tournage tombait pendant la Semaine Sainte qui n’est vraiment pas le meilleur moment pour un prêtre pour dédier un temps important à une telle activité !
Par ailleurs, il ne s’agit pas du tout de ma spécialité. Enfin, je n’étais pas intéressé par l’enjeu qui est un gain financier. Je n’y voyais pas vraiment de sens pour moi. Si l’objectif avait été de concourir pour remporter une somme au profit de la construction d’un hôpital par exemple, j’y aurais peut-être réfléchi plus longuement.

Updated on 26 Juillet 2020
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