Viens, suis-moi !
L’image évoquée par saint Antoine reportée ci-dessus nous fait sourire. Elle révèle tout d’abord l’attention du saint aux dynamiques les plus quotidiennes de la vie. Un peu comme Jésus qui, dans ses paraboles, pour nous éclairer sur les secrets les plus importants du Royaume de Dieu, s’appuie sur des aspects ordinaires de l’existence tels que la graine qui meurt pour germer, le levain dans la pâte, la lumière allumée... Il est également surprenant que le saint compare le Seigneur à l’attitude d’une mère, évoquant une ressemblance plutôt inhabituelle, voire plutôt audacieuse, en parlant du Seigneur. Cette mère, au lieu de satisfaire immédiatement l’enfant en lui tendant le pain ou la pomme, le trompe un peu, déçoit ses attentes et le fait marcher un peu plus loin. Saint Antoine évoque ainsi une attitude souvent négligée mais vitale et féconde dans l’éducation, ce que, en termes de psychologique moderne, nous pourrions appeler « la frustration optimale ».
L’idée à la base de ce raisonnement est qu’un enfant doit grandir et apprendre la vie dans ses aspects les plus difficiles et se comporter avec sérénité : personne ne pourra jamais lui donner une recette toute prête. Il y aura des obstacles à surmonter, qui lui permettront de se former, d’acquérir de nouvelles compétences, y compris d’un point de vue émotionnel, car l’être humain peut et doit apprendre à exprimer son affectivité. Il peut arriver qu’une mère ou un père, trop enclins à effacer tout effort sur le « champ de travail » de leur enfant, résolvent à sa place toutes les situations difficiles, en lui servant tout « sur un plateau », comme on dit. Ou bien, c’est l’inverse qui se produit : ils attendent de leurs enfants des résultats trop grands, des performances trop difficiles, qu’ils ne peuvent pas encore mettre en œuvre parce qu’ils ne les ont pas encore apprises de la vie ; et ainsi on n’aboutit à rien, les attentes sont étouffantes, le chemin s’arrête. L’art le plus difficile est celui décrit par saint Antoine : stimuler chez l’enfant le désir de quelque chose, de quelqu’un, en tenant compte des pas qu’il est déjà capable de faire et de ceux qu’il doit encore apprendre pour avancer avec équilibre.
Dans notre cheminement de foi, le Seigneur Jésus se comporte avec nous de la même manière, en nous invitant à suivre ses traces. Il convient de souligner quelques aspects bien exprimés par saint Antoine.
La mère – et Jésus lui-même avec nous – est une mère « aimante ». L’enfant perçoit en elle cette attitude bienveillante et confiante à son égard ; elle n’est ni maussade ni prétentieuse. Le Seigneur n’est jamais renfrogné, mais aimant et familier ! De plus, se tournant vers son fils, cette mère lui dit : « Si tu veux ». Elle ne lui souffle pas dans le cou en lui disant : « Tu dois ! ». Il en est de même pour Dieu. Il n’efface jamais notre liberté, il la respecte toujours lorsqu’il nous appelle à être avec lui. Il nous montre tous les bienfaits, tout le charme d’entrer dans le « royaume » de son amitié sans jamais utiliser de stratégies de chantage ou d’imposition. À nous, peut-être, de rester éveillés pour entendre son appel et « allonger le rythme » de nos rêves.