Un accueil chaleureux par les paroisses
« La clé, c’est la simplicité et la spontanéité ». Voilà ce qu’Axelle, bénévole dans une paroisse du 18e arrondissement de Paris, lance aisément sur son engagement à Hiver Solidaire. « Lorsqu’on accueille une personne, confie Axelle, l’attitude la plus importante est d’être profondément soi et de considérer pleinement l’autre qui nous fait face ». Elle poursuit : « Si je regarde l’autre comme une personne, au même niveau que moi, alors les premiers mots sont simples : Comment a été la journée ? Ça va ? ». S’il est possible de parler de tout, elle précise que « certains sujets méritent d’être abordés avec délicatesse. Il est facile d’engager une conversation sur la météo, les goûts alimentaires de chacun, les jeux préférés. Les sujets les plus délicats sont les parcours de vie ».
Jean, un bénévole dans une paroisse du 7e arrondissement de Paris, abonde dans le même sens : « On parle de tous les sujets, certains qui les concernent et certains qui concernent tout le monde (l’organisation des nuits, la politique, etc.) sans tabous ». Par leur accueil et leur écoute, les bénévoles ont envie de rencontrer ces personnes, de leur offrir la possibilité de retrouver la confiance et un sentiment de dignité et d’estime d’eux-mêmes. Hiver Solidaire n’est pas un hébergement d’urgence car les personnes dans la précarité accueillies (entre 2 et 7) sont les mêmes pendant tout l’hiver. L’accueil, dans les locaux paroissiaux, démarre par un dîner, puis la nuit et le lendemain matin, un petit-déjeuner.
Des règles de vie
Hiver Solidaire s’inscrit dans la pastorale diocésaine de la solidarité. Orientées par des associations d’aide aux migrants ou aux personnes sans-abri, les personnes accueillies doivent répondre à quelques conditions notamment l’absence d’agressivité, d’addiction à la drogue ou à l’alcool. Elles doivent être capables de s’engager à mener une vie en collectivité et accepter les règles de vie prévues par la paroisse, notamment le respect des horaires, les repas en commun, la participation aux tâches ménagères, le respect de l’hygiène. Au début de cette période, une charte est signée par chacun. Ces aspects sont parfois difficiles pour eux, habitués à une grande liberté d’horaires. Mais cet accueil peut être une étape dans leur chemin de reconstruction et de réinsertion.
Attentifs
Face à une personne qui hésite à rejoindre Hiver Solidaire, Axelle n’hésite pas à lui dire d’« oser la rencontre et surtout la fidélité ». Et d’ajouter : « Comme tout, Hiver Solidaire est d’abord une histoire de relations humaines, et cela se construit dans le temps ». « Osez revenir, rencontrer et créer du lien, et passer ce seuil de l’inconfort, de cette soirée où l’on n’a pas envie d’aller car c’est à ce moment où l’on se dépasse, que naissent les meilleurs souvenirs. C’est dans l’effort offert que se tisse la relation, vraie et gratuite ».
Aux yeux de Bertrand, diacre dans une paroisse du centre de Paris, les personnes accueillies l’hiver dernier « ont constitué une équipe qui, au fil des semaines, ont établi une forte solidarité entre ses membres. » Et d’expliquer que « l’un d’entre eux présentait une déficience psychologique qui a toujours été palliée par l’attention, la bienveillance des autres ».
Des bénévoles engagés
Dans cette paroisse du 5e arrondissement, l’hiver dernier a mobilisé 75 bénévoles. Si ce chiffre peut paraître élevé, il est important de réaliser qu’il faut trois personnes pour le dîner et une personne pour la nuit (le « veilleur ») ainsi que deux à trois personnes pour les petits-déjeuners. Le minimum est donc de 50 bénévoles pour un service régulier de semaine.
Un service gratuit
En s’engageant dans Hiver Solidaire, ils ne ferment pas les yeux face à leurs frères en grande précarité, mais agissent avec foi et courage. Cela rejoint ce que le pape François avait confié à des personnes sans domicile fixe de Vienne, en novembre 2024 : « Nous avons tous besoin les uns des autres et nous sommes appelés à nous enrichir mutuellement. Et rappelons-nous que cela ne passe pas seulement par des dons matériels, mais aussi par « un sourire, un geste d’amitié, un regard fraternel, une écoute sincère, un service gratuit » (Spes non confundit).
Un cadeau pour tous
Pour Bertrand et Jean, Hiver Solidaire est un cadeau pour les bénévoles, une expérience de rencontres humaines riches car c’est un lieu où chacun est attendu en vérité. Ce peut être une occasion de changer le regard sur la misère de la rue. C’est aussi un cadeau pour les personnes accueillies.
Pour Bertrand, malgré une issue avec souvent un retour à « la case rue », « c’est une expérience de dignité retrouvée ».
C’est enfin un cadeau pour le curé et sa paroisse car les bénévoles sont loin d’être tous des paroissiens. Cet élan humanitaire ratisse large, car le recrutement de bouche à oreille recueille beaucoup de jeunes professionnels intéressés par une expérience de générosité limitée dans le temps, sans rapport immédiat avec l’Église et qui pensent : « L’humanitaire-oui, l’Église-non ». Le diacre Bertrand précise que si « par cet accueil limité, nous ne changeons pas la face du quartier, c’est un lieu où se tisse un peu le corps du Christ. »
Les bénévoles reconnaissent que la fin de la période hivernale est « difficile car la plupart des personnes n’ont pas de solution d’hébergement pour la suite ». Axelle aime cependant conclure qu’Hiver Solidaire permet de vivre des « moments incroyables » où l’on est « remis en place », car « ce qui demeure, au-delà de tout, c’est la relation ». Rencontre, fraternité et gratuité règnent sur cet espace solidaire.