Un aqueduc ingénieux !

À la fin de la guerre au Burundi, le retour de milliers de réfugiés avait submergé une petite paroisse frontalière de la Tanzanie. Voici comme une initiative locale a pu sauver des milliers de personnes, également grâce à l’aide des lecteurs du Messager.
21 Décembre 2025 | par

Lorsque les guerres se terminent enfin, elles laissent derrière elles une traînée de douleur, de malaise et de souffrance qui n’est pas facile à soulager. Une blessure qui reste béante, surtout dans les zones frontalières, où les gens passent pour fuir les violences et où ils reviennent pour tenter de reconstruire une vie, dès les premiers signes de paix et de stabilité. L’une de ces zones se trouve sur les collines du Burundi à la frontière avec la Tanzanie, où la Caritas Saint-Antoine a financé la construction d’un « mini-aqueduc » qui alimente une population d’environ 5 000 personnes.
Nous nous trouvons dans le diocèse de Bururi, dans la province qui porte le même nom, à l’extrême sud du pays. Les collines dont nous parlons sont celles de Mutobo, Jenda et Kanazi, à seulement un kilomètre de la frontière tanzanienne. Ce territoire fait partie d’une grande paroisse, celle de Mabanda, dirigée par un curé courageux, l’abbé Leonidas Nimubona : « Même si nous sommes à 250 kilomètres de la ville la plus importante, Bujumbura, toutes les guerres du Burundi ont laissé des traces ici. La dernière crise, en 2015, a contraint une foule de réfugiés à passer par ici pour se rendre en Tanzanie. Cependant, la vague d’optimisme qui a suivi les élections de 2020 et la nomination de l’actuel président de la République a incité de nombreux réfugiés à revenir dans le pays. Aujourd’hui, ma paroisse est celle qui en accueille le plus dans toute la province, qu’ils viennent de Tanzanie ou des camps de réfugiés de la République démocratique du Congo, à tel point que les rapatriés représentent aujourd’hui 67  % de la population ».
Une explosion démographique qui met sous pression les services de base déjà fragiles du territoire : école, santé, accès à la nourriture, mais surtout accès à l’eau. C’est tout particulièrement le manque d’eau potable qui entraîne toutes les autres difficultés et empêche de sortir de l’état d’urgence : « La situation est devenue intenable », écrit l’abbé Leonidas à la Caritas Saint-Antoine. Pour trouver de l’eau, les femmes et les enfants doivent marcher jusqu’à cinq kilomètres et faire la queue pendant des heures, une tâche ingrate qui entraîne d’autres conséquences : de plus en plus de femmes sont violées pendant le trajet, tandis que de nombreux enfants sont contraints de quitter l’école. Et tout cela pour trouver de l’eau qui est polluée ! ». Parmi les conséquences les plus graves, on remarque l’apparition de foyers épidémiques toujours plus étendus : diarrhée, fièvre typhoïde, gastro-entérite, choléra, hépatite A, tandis que la mortalité infantile des moins de 5 ans a considérablement augmenté. L’évêque de Bururi, Salvator Niciteretse, fait également part à la Caritas Saint-Antoine de sa profonde inquiétude : « Les familles réduites à cet état ne parviennent pas à trouver du travail, elles envahissent les centres de santé déjà précaires et se rendent chaque jour dans les paroisses à la recherche de nourriture et d’argent pour acheter des médicaments. Il est impossible d’envisager un développement dans ces conditions ».
Avec l’arrivée massive de réfugiés en 2024, la situation de la population dans les collines est arrivée à la limite du supportable, à tel point qu’elle est devenue l’urgence prioritaire pour la paroisse tout entière. « Nous n’avons pas les moyens d’y remédier. Vous êtes les seuls à pouvoir nous aider », déclarait l’abbé Leonidas.
L’implorante demande d’aide est parvenue à la Caritas Saint-Antoine à la fin du mois d’avril 2025. Les frères et les collaboratrices de l’institution caritative connaissaient déjà l’abbé Leonidas, pour avoir réalisé avec lui deux projets il y a quelques années, notamment la construction de salles de classe, de fontaines et de toilettes. Le domaine concerné était à l’époque celui de l’école, mais toujours dans le cadre de l’accès à l’eau.
La solution pour faciliter l’accès à l’eau n’était cependant pas simple, précisément en raison des nombreuses collines présentes dans la région. « Il faudrait trois puits, un par colline, mais nous devrions faire venir des camions, des foreuses et du matériel depuis Bujumbura, ce qui serait extrêmement coûteux. Une entreprise à laquelle je me suis adressé m’a donc proposé une solution différente : puiser l’eau à la source sur une seule colline, la plus haute, puis l’acheminer vers les autres grâce à des canaux et des jonctions, en utilisant la force de gravité, sans avoir à acheter de pompes ». De cette manière, les 120 000 euros prévus pour les trois puits ont été ramenés à 46 000 euros, dont seulement 25 000 demandés à la Caritas Saint-Antoine.
L’abbé Leonidas a donc envoyé les documents du projet, les plans, les devis : c’est formidable d’être aux côtés de l’Afrique qui cherche des solutions pour ses enfants, malgré mille difficultés. Le projet a été approuvé le 28 mai 2025, les travaux ont commencé le 3 juin, et fin juillet, le système d’approvisionnement en eau, simple mais ingénieux, était mis en service. L’eau est maintenant puisée au sommet de la colline Jenda, d’où elle est acheminée par gravité vers les trois collines grâce à un système de canalisations. Il y a également un grand réservoir et pas moins de 7 points d’accès à l’eau potable répartis à différents endroits. L’eau n’est soudainement plus un problème pour 4 559 personnes, principalement des femmes et des enfants, et pour tous les réfugiés qui passeront par là dans les années à venir, à la recherche d’une nouvelle vie. 
« Lorsque les gens ont vu l’eau claire et potable couler des robinets, raconte l’abbé Leonidas, l’enthousiasme et la gratitude se lisaient sur leurs visages. Une joie qui était aussi la prise de conscience de la valeur de ce don, à tel point qu’un comité pour le nettoyage et la surveillance du système a été créé à l’initiative de la population : ils ont reçu l’eau en cadeau et veulent maintenant la protéger pour tous ceux qui viendront, également en votre nom ».

Updated on 21 Décembre 2025
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